Elder Charles E. Beck : Your Man Of Faith

Elder Charles E. Beck : Your Man Of Faith

Gospel Friend – Catalogue PN-1515

Membre influent des églises Pentecôtistes et Sanctifiées, Elder Beck a mené une vie trépidante, riche et variée. C’est ce qui ressort des notes de pochette très fouillées que l’on doit à Opal Louis Nations, un grand spécialiste du Black Gospel. Elder Beck est né en mai 1902 à Mobile, Alabama. Ses parents étaient originaires de l’Afrique de l’Ouest ; il prétendait avoir hérité de cette région des dons de guérisseur (healer) avec des résultats attestés par des témoins et/ou des bénéficiaires. Touche-à-tout, il acquit successivement la maîtrise d’une foule d’instruments (23 parait-il !), à commencer par le piano, puis la trompette, le saxophone, le Hammond B3, la basse, les drums, les bongos…et il passait fréquemment d’un instrument à un autre au cours du même morceau et lors de séances « live » dans son église, la Way Of The Cross C.O.G.I.C. à Buffalo, NY. Au piano, son modèle fut Arizona Dranes, la pianiste aveugle de Dallas, Texas qui introduisit les rythmes du ragtime dans son jeu. Beck s’en est inspiré comme on peut l’entendre dans plusieurs faces dont un « If I Have To Run » uptempo (gravé en solo, piano-chant, à New York en mai 1937 pour Decca). Avant cela, son premier job, il l’eut comme pianiste avec Elder Curry, pasteur de la Church of God in Christ à Jackson, MS, à la fin des années 20, avec des enregistrements pour la firme Okeh. Beck s’installa d’abord à Memphis puis, en 1937, à New York sous l’aile de Sweet Daddy Grace, un adepte des marching bands de New Orleans et y recourant dans ses services à la United House of Prayer à Harlem. C’est ainsi que Beck put commencer une carrière discographique en 1937 avec une version très personnelle du « Precious Lord » de Thomas Dorsey pour Decca Records, puis 2 faces encore en 1939. Peu d’activité à noter pendant la seconde guerre mondiale (studios fermés, arrêt de la production de disques) sauf son implication dans les mouvements pour les droits civiques des Noirs avec le Sénateur (noir) Adam Clayton Powell, ainsi que la main-mise sur des programmes radio réguliers sur WKBW (Buffalo) et WHAT (Philadelphie). Mais Beck revint en studio en 1946 et cette fois pour Eagle Records, avec une face emblématique, « Blow Gabriel ». C’est jazzy et bien enlevé. Beck y joue de la trompette en virtuose. On retiendra aussi un trépidant « Delilah ». En 1948, Beck passa chez Gotham Records à Philadelphie et y grava une douzaine de faces dont le speedé « There’s a Dead Cat on the Line » où il parle, ironise, chante, prêche et joue de la basse acoustique, ainsi qu’un « Didn’t it Rain » endiablé (oops !) avec sa femme Bertha au piano et un superbe « You Got to Move » uptempo. En 1950, Beck passa chez King Records. Il y produisit un délirant « Shouting with Elder Beck » bien enlevé, un « What Do You Think About Jesus » mémorable avec piano, chorale et trompette. Tout cela parait assez sérieux alors qu’en fait Beck était un humoriste plaisantin maniant l’humour avec dextérité, avec sa voix gouailleuse et son ironie mordante comme dans les désopilants « You Better Watch Your Close Friends » ou mieux encore dans une histoire de rédemption « Winehead Willie Put That Bottle Down ». Il était aussi un anticonformiste féroce, préconisant l’importance prépondérante du rythme dans les chants d’église (trop souvent mornes et trop sages à son goût) ce que lui réalisait en incluant du swing et du jazz dans ses interprétations comme « When » ou « Blow Gabriel », « I Got a Home in that Rock » etc… frisant parfois la variété (« If I Can Just Make It In »,…) avec un sommet en juillet 1956 avec un « Rock and Roll Sermon » d’anthologie où il prêche de façon hystérique pour le R’ n R avec, en toile de fond, une guitare électrique d’enfer (sorry !) ; ce morceau allait en choquer plus d’un et la controverse de s’emballer dans toutes les congrégations. Mais Beck n’en eut cure, sa célébrité en sortant intacte. Peu après, il enregistra tout un album avec des guests pour Folkways Records, dans son église. Il est mort en septembre 1966 à Buffalo, NY.

Robert Sacre