A Capella Black Gospel 1940 to 1969 : Look How The World Has Made A Change

A Capella Black Gospel 1940 to 1969 : Look How The World Has Made A Change

NarroWay – Catalogue NarroWay PN-1605/1606/1607 (3 CD)

What A Time ! Historiquement, tout au long des 18ième et 19ième siècles, les instruments de musique n’étaient pas les bienvenus dans les églises noires, que ce soit dans l’Eglise Baptiste (rassemblant les plus pauvres d’entre eux, les esclaves puis les ouvriers) ou dans l’Eglise Méthodiste (ouverte aux classes moyennes noires plus favorisées). Les « spirituals » apparus dès 1800 se chantaient a cappella. De même les « negro spirituals » d’après 1865 (musique religieuse harmonisée par des chorales universitaires noires à l’attention d’auditoires blancs afin de récolter des fonds pour construire des bâtiments scolaires dans le Deep South, accompagnés parfois à l’harmonium ou au piano) ainsi que les « jubilee songs » pratiqués dès 1865 dans les églises populaires noires où régnaient les quartettes masculins, les chorales, les prêcheurs charismatiques, les solistes…. jusque dans les 2 premières décennies du 20ième siècle, voire après. La grande révolution arriva à la fin du 19ième siècle avec l’apparition de sectes pentecôtistes et sanctifiées dissidentes qui prônèrent l’utilisation des instruments de musique (guitares, basse, drums, piano, voire orchestres de jazz au complet avec cuivres) lors des services religieux. Mais les quartettes et groupes a cappella gardèrent une grande popularité jusque dans les années 60, en parallèle avec une popularité aussi généralisée pour les groupes s’accompagnant d’instruments, en ce compris les évangélistes itinérants (chant et guitares, etc.). Il y avait de la place pour tous dans le cœur et dans la faveur des populations noires US. Le chant a cappella est un exercice difficile et périlleux, il demande des heures de préparation et de répétitions. L’harmonisation des voix est loin d’être une sinécure. Il faut être super doué pour éviter cacophonie et dérapages vocaux, un coach est indispensable et l’histoire en a retenu le nom de pas mal d’entre eux comme Jimmy Ricks (ex-Birmingham Jubilee Singers et coach plus voix de basse des Golden Eagles) ou Charles Bridges ici avec les Famous Blue Jay Singers of Alabama ou encore Rebert Harris (Soul Stirrers) et beaucoup d’autres… A remarquer que les femmes étaient sous-représentées dans ce domaine. Elles faisaient partie de chorales avec rarement le rôle de leader ou de soliste, réservé aux hommes (McNeil Choir, Luvenia Nash Singers,…) à l’exception du Camp Meeting Choir avec Sister Bernice Dotson en soliste (1946, Diamond Rec.). Par contre, recourant aux mêmes coaches que les hommes, elles étaient mieux représentées dans les quartettes comme Georgia Peach en leader des Reliable Jubilee Singers et présente ici dans les excellents « I Don’t Know Why » (1946, Apollo Rec.) et « Give Me Strength Lord and I’ll Carry On » (1946, Candy Rec.). A noter aussi les Keys of Heaven avec 2 chanteuses solistes hors normes qui se donnent la réponse, avec passion, dans « Movin’ In » et « Something Within Me » (1949, Regal Rec .) et encore les Elite Jewels, un all-female group de 6 chanteuses sous la direction de Etta Mae Hurd… Pour le reste, la sélection de groupes, chorales et solistes faite par Per Notini est exemplaire. C’est un festival d’excellents moments à passer avec les meilleurs représentants de ce style musical. Chacune des 84 faces mériterait des commentaires mais c’est impossible à faire dans ce cadre-ci. Ajoutons aussi que les notes très fouillées et instructives sont de Ray Templeton. Ces 84 faces ne sont pas agencées par ordre chronologique mais par ordre alphabétique. Le CD 1 rassemble des faces du Camp Meeting Choir jusqu’à celles des Heavenly Kings, là où le CD 2 fait place aux faces des Jubileers jusqu’à celles des Seven Stars Juniors, tandis que le CD 3 couvre le Silver Leaf Quartet of Florida jusqu’aux Wings Over Jordan Choir. Et c’est une excellente idée, cela permet d’alterner des faces plus anciennes (1940) avec des faces plus récentes (1969). Cerise sur le gâteau, beaucoup de faces n’ont jamais été rééditées auparavant…. A consommer sans modération.

Robert Sacre