Aleksander Sever, Omer Govreen, Floris Kappeyne, Wouter Kühne : Maya

Aleksander Sever, Omer Govreen, Floris Kappeyne, Wouter Kühne : Maya

JMI Recordings

Apparemment, les deux co-leaders de ce quartet basé à Amsterdam sont le contrebassiste Omer Govreen et le vibraphoniste Aleksander Sever, mais les deux autres membres, le pianiste Floris Kappeyne et le batteur Wouter Kühne, contribuent aussi largement à la réussite de cet album d’une incontestable originalité. C’est d’ailleurs l’association des timbres du piano et du vibraphone, deux instruments d’une grande richesse harmonique, qui procure à ce combo une belle singularité sur le plan des sonorités. On s’en rendra compte à l’écoute de « Inwoods » dans lequel le pianiste et le vibraphoniste croisent leurs instruments avec une réelle complicité dans l’exposé du thème avant de se lancer, l’un après l’autre, dans des chorus expressifs. Et puis, voilà qu’en finale, le batteur délivre des roulements telluriques qui viennent, tels une lame de fond, menacer le bel équilibre de cette composition. Ce genre d’heureuse surprise hisse encore d’un cran l’impact de cette musique dont le scénario est formidablement agencé. D’autres pièces, comme « Tired », se vêtent d’une profonde nostalgie, plongeant même dans un onirisme mélancolique entretenu par la résonance des lames métalliques. On notera encore dans cette singulière alchimie le rythme étrange et subtilement puissant du batteur qui martèle cette composition comme si c’était une marche spectrale.

Alliant simplicité et complexité, le répertoire est d’une grande fraîcheur, le quartet donnant constamment l’impression d’être au cœur d’un maelström créatif. On a parfois l’impression qu’une certaine tradition du jazz est invoquée (pensez au splendide « Alfred » du tandem Bobby Hutcherson / Andrew Hill) mais ce qui reste après l’écoute du disque est surtout l’affirmation d’une forte identité collective, fruit des qualités d’écriture des compositions et des arrangements mais aussi des personnalités contrastées des quatre musiciens impliqués. Offrant un jazz époustouflant à bien des égards, Maya est une production vivante et inspirée qui ne peut que provoquer l’admiration.

Pierre Dulieu