
Alexander Hawkins – Sofia Jernberg : Musho
En amharique, le mot « Musho » renvoie à une chanson triste, une élégie, une complainte funéraire… De l’Éthiopie, il est beaucoup question ici. D’abord, car la chanteuse Sofia Jernberg – son nom d’adoption ne l’indique pas – est d’origine éthiopienne et qu’elle y a voyagé adolescente. Ensuite, car la moitié des huit compositions présentées sont empruntées au répertoire musical éthiopien. Ainsi, en ouverture, « Adwa » et, un peu plus loin, « Gigi’s Lament » puisent dans la mémoire traditionnelle revisitée par la chanteuse Gigi (de son vrai nom Ejigayehu Shibabaw). Plus loin encore, « Y’shebellu » est signée d’une autre chanteuse éthiopienne, Aster Aweke. En clôture, « Muziqawi Silt » est reprise au chanteur Girma Bèyènè mais se retrouve dépouillée de sa carcasse éthio-funk du tournant des années 70. Il faut également rappeler qu’Alexander Hawkins a figuré au sein de l’orchestre de Mulatu Astatke. Pour autant, le duo se défend de se la jouer « éthiopique ». « Nous ne voulions pas nous enfermer dans l’idée d’un concept band jouant le répertoire éthiopien », explique Hawkins. De fait, un morceau de la compositrice arménienne Zabelle Panosian figure également au programme. De même que deux morceaux traditionnels, l’un anglais, l’autre suédois. Enfin, Sofia Jernberg signe la plus longue des pièces, « Correct Behaviour », véritable tour de force vocal que vient renforcer le jeu vertigineux du piano d’Hawkins. Nous avions déjà fait état dans nos pages de la dextérité de ce dernier, sublimée quand il joue en duo, que ce soit avec la saxophoniste Angelika Niescier ou avec la violoncelliste Tomeka Reid. La présente formule est, elle, inédite. C’est à Huub van Riel, directeur du Bimhuis d’Amsterdam, qu’il revient de l’avoir suscitée.