Benny Green, bleu de la tradition

Benny Green, bleu de la tradition

Benny Green bleu de la tradition.

propos recueillis par Jean-Pierre Goffin

WWW.BENNYGREEN.COM

Il est reconnu comme un des grands pianistes de jazz, mais il est peu connu du grand public. Raison de ne pas rater son concert à Dinant le 9 mars ! Petit entretien avec un pianiste convaincu et convaincant.

Votre père est né à Pittsburgh, une ville où sont nés et ont vécu de grands jazzmen comme Ahmad Jaml, Errol Garner, Art Blakey… Votre père vous en parlait-il et c la a-t-il eu une influence sur votre choix de jouer du jazz ?

Pittsburgh étant une grande ville de jazzmen a sûrement influencé mon père à devenir musicien de jazz ; tous les grands musiciens noirs américains de Pittsburgh l’ont sans doute poussé  à devenir saxophoniste-ténor. Le fait d’entendre des disques et de l’écouter jouer à la maison m’ont fait tomber amoureux du jazz. J’avais six ans lorsque nous avons eu notre premier piano à la maison, ce fut ma première relation avec le feeling jazz… Donc, Pittsburgh fait partie de ma décision de devenir un jazzman. Mon père était deux ans plus âgés que Ray Brown, il le regardait donc un peu comme un adolescent… Mon père me disait que déjà tout jeune Ray était un géant et que tous les groupes qui descendaient en ville voulaient l’inviter. 

Vous avez commencé par des études classiques.

J’adore écouter du piano classique. En fait, le premier mouvement de la sonate au Clair de Lune de Beethoven est mon favori depuis toujours, mais je ne le joue pas, je préfère l’écouter par d’autres. Mon premier professeur de piano a remarqué que j’aimais l’improvisation parce que je jouais les morceaux qu’elle m’apprenait de façon différente à chaque fois ; elle a alors téléphoné à mes parents pour les encourager à me trouver un professeur de jazz, elle avait vraiment vu ce que j’aimais faire. 

On parle des « Jazz Messengers » comme d’une véritable école ; l’avez-vous ressenti de cette façon ?

Art Blakey & Benny Green

Art Blakey a été un de mes plus grands professeurs.  Les meilleurs professeurs vous inspirent d’une façon qui reste gravée toute votre vie, il fait partie de ces professeurs, il nous enseignait par l’exemple.  En tant que jeune musicien, ce fut une de mes convictions profondes que je devais jouer un jour avec Art Blakey. L’ « école » a même commencé avant que je ne rejoigne les « Jazz Messengers » : pendant cinq années, j’ai travaillé sa musique et je me suis préparé à devenir le pianiste qu’Art voudrait dans sa grande institution. Art est devenu mon professeur en étant un leader si fort qu’il m’a donné conscience du travail dur que cela demandait, de l’amour de la musique, du but à poursuivre. 

 

Quels ont été les pianistes les plus influents dans votre carrière ?

Monk, McCoy Tyner et Cedar Walton ont été mes premiers héros. Bud Powell, Hank Jones, Tommy Flanagan, Oscar Peterson, Horace Silver, Kenny Drew, Hampton Hawes, Red Garland, Wynton Kelly, Sonny Clark, Bobby Timmons et beaucoup d’autres ont eu une influence sur mon jeu et mon écriture. 

Vous tournez en Europe avec David Wong et Rodney Green : c’est important d’avoir une rythmique fixe ?

Lorsqu’on joue une musique et des arrangements originaux, la clé est d’avoir une équipe avec laquelle vous travaillez régulièrement.  J’essaie toutefois que mes arrangements soient écrits de façon très cohérente de façon à ce que quelqu’un  puisse les apprendre en peu de temps. Mais pour développer une confiance mutuelle dans la musique qui puisse mener à un niveau musical plus profond, il est nécessaire de jouer en « live », de faire de bons et de mauvais concerts, de devenir une vraie équipe, une famille musicale, et pas seulement un amalgame de gens compétents. 

Le trio reste  votre formule préférée ?

Il semble bien que c’est le trio que je préfère ! J’adore la sonorité d’un quartet avec sax-ténor aussi, si il s’agit d’une bonne combinaison de personnes. Mais si je n’avais le choix que d’une seule situation, ce serait le trio piano-basse-batterie. 

Vous écoutez aussi des pianistes européens ? En tant qu’Américain, sentez-vous une différence entre le piano européen et américain ?

J’ai des amis pianistes de jazz en Europe. Dado Moroni est un des plus grands pianistes de jazz vivant. De nos jours, je pense que pianistes européens et américains ont une influence l’un sur l’autre. C’est terminé l’époque où on pouvait sentir par son jeu d’où un pianiste était originaire ; il y a de nombreuses années, on pouvait entendre si un saxophoniste venait de Chicago ou du Texas  par la façon dont il joue le blues, mais aujourd’hui, tout le monde écoute tout le monde, il y a beaucoup d’échanges en ce qui concerne les idées et le son. Il y a beaucoup de musiciens européens qui swinguent et jouent le blues alors qu’il y a des Américains qui s’inspirent de musiciens européens. 

Mais vous trouvez important d’écouter les standards dans leur version originale.

Je pense que c’est crucial d’écouter la conception originale qu’ont des musiciens de leur musique. C’est seulement en partant de cette perspective d’auditeur informé qu’on peut avoir une orientation fondamentale sur la façon d’interpréter les standards. 

Toute votre carrière, vous restez un artiste discret, concentré sur sa musique et la mélodie, sans jamais placer votre « ego » en avant ; du coup, vous êtes peut-être moins connu du grand public que d’autres : pas de regrets de ce côté ?

Mon seul regret est de ne pas avoir pratiqué plus étant jeune ! Et la seule façon d’y remédier est de travailler plus dur maintenant. J’adore être un « jazz messenger », c’est la fierté de ma vie, et il n’y a rien ni personne d’autre que j’aurais voulu être. 

En concert au Club « Jazz L’F » à Dinant, rue Remy Himmer, 27

Le dimanche 9 mars à  19h. Réservations : 0475 685952.