Bertrand Bouard : JJ Cale
Il est de ces musiciens dont la renommée s’est faite via une personne interposée. C’est le cas du guitariste américain John Weldon Cale (1938 – 2013). Lui qui se produisait sous le nom de John Cale s’est vu imposer un changement par le patron d’un club (le Whisky A Gogo de Hollywood), parce qu’un membre du Velvet Underground se produisait également sous ce nom. Mais c’est Eric Clapton qui va bouleverser la vie de JJ Cale en reprenant les titres « After Midnight » et « Cocaine » au début des seventies. Ces deux reprises, dont les succès seront phénoménaux, vont lui assurer un revenu conséquent pour la la suite de son existence et vont lui permettre de ne rien changer à son mode de vie. Une vie qu’il a toujours voulue posée, confinée, peu exposée aux médias, refusant même longtemps qu’une photo de lui ne figure sur la pochette d’un de ces albums. Il déclara même avoir passé sa vie à faire du vélo, tondre la pelouse et même écouter du rap et Van Halen ! Et surtout avoir eu le luxe suprême de se déplacer partout sans être reconnu. Mais il était aussi un homme au grand cœur, vous découvrirez ici les cadeaux / aides faits à des connaissances.
C’est dans les années 50 qu’il va s’intéresser à la musique, se mettre à la guitare, se produire au sein de diverses formations de Tulsa, ville et musiciens des débuts auxquels il va rester fidèle en jouant sur quelques singles de chanteurs du coin. Pendant cette période, il se bricole un home studio, invente une boîte à rythmes, transforme ses guitares en leur soutirant des parties, en y rajoutant des micros. Et il compose. Des chansons à la fausse simplicité désarmante. Elles évoluent entre le blues, la country, le rock, le jazz dans un style qui deviendra unique. Un style laidback, calme, sobre et assez mélancolique. Avec des pulsions rythmiques toutes en retenue mais dont l’efficacité est bien réelle.
L’auteur de ce livre s’est spécialisé dans les musiques et collabore notamment à Rock & Folk et à l’Express. Ses deux précédents ouvrages pour l’éditeur Le mot et le reste furent consacrés à Lynyrd Skynyrd et à The Band. Groupes dont nous croiserons la route de certains de leurs musiciens au fil des pages de cette biographie. Celle-ci se décline en cinq chapitres suivant les « déplacements » qu’effectuera JJ Cale à travers les States. Dans ces pages nous y lirons des anecdotes, le respect que lui voue Clapton. Nous y croiserons de nombreux noms connus (Léon Russell, Neil Young, Tom Petty et son guitariste Mike Campbell, Mark Knopfler qui doit tout à Cale et le reconnaît, Widespread Panic – groupe phare aux States mais inconnu chez nous et dont je garde un très bon souvenir de leur concert au Nandrin Festival !). Nous le suivrons aussi en concert en Europe où le succès sera plus important que sur ses terres.
Le livre décortique tous les albums du guitariste chanteur d’une manière chirurgicale, y compris celui enregistré en duo avec Clapton, l’album hommage dont l’idée germe dans la tête de Clapton lors de son vol vers les States pour assister à l’enterrement. Et finalement l’album posthume « Stay alive ». Avec les « live », peu évoqués ici, c’est une vingtaine d’albums qui composent sa discographie, mais il a posé en plus sa guitare sur les albums de nombreux grands noms : Art Garfunkel, Bob Seger, Leon Russell, Neil Young, Paul Simon, John Hammond, Tony Joe White et des dizaines d’autres…
Un livre qui rend hommage à un musicien talentueux, novateur, dont le jeu de guitare était tout simplement impressionnant. Et unique. Mais qui rend aussi hommage à l’homme qui a su préserver son intimité et vivre dans une certaine quiétude, loin des tumultes et dégâts du milieu musical. Malgré le titre « Cocaine », il n’a jamais touché à ce genre de choses. Avec cette biographie aux innombrables détails, révélés parfois via diverses interviews, vous découvrirez la vie d’un artiste au destin hors des normes du milieu.
Je possède les huit premiers LP de Cale et j’avoue avoir replongé dans quelques-uns après la lecture de ce livre. Ce fut un plaisir et l’occasion de me dire que tout cela avait drôlement bien passé les ans.
Bertrand Bouard
JJ Cale
Le mot et le reste
264 pages
ISBN : 9782361399177