Confinés mais combatifs : Yoann Loustalot
Plus que jamais, JazzMania soutient les artistes et les programmeurs en manque de vous… tout simplement. Au-delà des pertes financières et des doutes pour la suite d’une carrière déjà kamikaze à la base, il y a le désarroi… Plus ils se sentiront inutiles et plus la rédaction de JazzMania leur rappellera le rôle essentiel qu’ils occupent en nos esprits… Âmes sensibles s’abstenir…
Il est présent aux côtés de Glenn Ferris sur le nouvel album « Reborn » d’Aldo Romano, puis il fait aussi partie du quintet Lucky Dog, avec le saxophoniste Fred Borey (album « Live at the Jacques Pelzer Jazz Club »). Impressions…
Yoann Loustalot : « Nous vivons une période vraiment spéciale. Même si j’essaie de prendre du recul, car je trouve les nouvelles de plus en plus anxiogènes chaque jour et que je ne veux pas y laisser mon moral et ma santé… En tant qu’artiste, je ressens cette deuxième période comme une véritable punition. Certains ont l’obligation de rester chez eux. Nous, les musiciens, en faisons partie. D’autres non… Il est bien sûr difficile de se projeter, de mener à bien nos projets musicaux, car notre secteur est à l’arrêt, même si les acteurs du métier continuent obstinément, et avec raison, de travailler à la construction de programmations en salle, de manière hypothétique. Il est quasiment impossible de savoir à quelle sauce nous serons mangés en 2021. On le sait, et c’est dire une banalité, la musique est une discipline de tous les jours, que nous pratiquons avec plaisir et assiduité ! Quand les quelques carottes qui nous motivent disparaissent au fur et à mesure de notre agenda, ça devient beaucoup plus difficile… On a beau se dire qu’il faut mettre ce temps d’enfermement à bon escient pour pratiquer l’instrument, écrire de la musique, monter de nouveaux projets… c’est difficile de garder le cap ! J’avoue que je tourne beaucoup en rond à la maison, sans savoir quoi faire ou en ayant pas envie de faire grand chose… Les musiciens ne sont pas faits pour rester chez eux ! J’en profite bien sûr pour écouter de la musique, regarder des films etc. Mais quoique je fasse, au fond, je reste assez préoccupé par la situation… Ce deuxième coup de massue a un grand impact…. Dès qu’il y a une lueur d’espoir, une mauvaise nouvelle tombe ! Mais surtout, j’ai une impression de vieillissement, d’arrêt sur image, d’éternel recommencement, et de mépris de la part de ceux qui nous dirigent ! Lorsque, avant ce 2ème confinement, nos activités avaient un peu repris (j’ai eu la chance de rejouer régulièrement, contrairement à beaucoup de copains qui n’ont toujours pas fait un concert depuis mars dernier), les normes sanitaires étaient super respectées dans les salles de spectacle. C’était difficile mais nous arrivions à reprendre notre activité, même si elle tournait au ralenti. Tout le monde faisait gaffe, vraiment gaffe, à respecter au mieux tous les protocoles. Puis la punition est tombée et ce fut une deuxième fois fini pour nous. Dans les supermarchés, les transports, et la liste est longue, on peut continuer à s’agglutiner… Ils parlent de ré-ouvrir les lieux de culte ! Tout cela est pour moi purement et simplement scandaleux. J’aimerais comprendre la logique des choses… Mais je crois que je n’y arriverai pas.
Une des choses qui m’effraie le plus, c’est d’entendre autour de moi des gens dire que ça ne les dérangeait pas trop ce deuxième confinement, qu’ils peuvent continuer à aller bosser, que les enfants vont à l’école, que ce n’est pas vraiment différent finalement, plutôt facile à vivre. Cette résignation et cet individualisme me font peur… Nous les musiciens, nous vivons dans un monde à part. J’ai été très agréablement surpris par la grande solidarité qu’il y a eu entre nous depuis le début de cette période catastrophique et je pense que c’est cette solidarité, et uniquement elle, qui nous sortira de ce pétrin ! »
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Les chroniques JazzMania : Aldo Romano et Lucky Dog.
Propos recueillis par Claude Loxhay