Dans Dans : Au coin du zinc…

Dans Dans : Au coin du zinc…

Dans Dans réunit trois des musiciens les plus actifs de la scène belge actuelle : Bert Dockx (Flying Horseman et Ottla), Fred Lyenn Jacques (Lyenn) et Steven Cassiers (Dez Mona). Le nouvel album du trio, « Zink », ouvre une nouvelle voie faite de compositions personnelles magnifiées par la reine du son, Christine Verschorren. Leurs explications…

Dans Dans © Geert Vandepoele

«On ne pense pas en terme de genres : jazz, rock ou autre chose»

Comment s’est créée la spécificité du groupe Dans Dans, ce mix de genres ?
Bert Dockx : Je pense qu’il y a deux choses importantes dans notre projet : d’abord, on ne pense pas en terme de genres : jazz, rock ou autre chose. Ensuite, pour le style, c’est venu des trois personnalités qui chacune a apporté le sien avec son instrument, ses idées, son inspiration. Il y a une écoute mutuelle qu’on pratique depuis des années et qui a donné aujourd’hui un son bien à nous. C’est juste l’histoire de trois individus avec leur univers qui ont construit cette musique spécifique en suivant leur intuition. Il n’y a pas de référence à d’autres musique de manière consciente.

Il y a beaucoup d’images dans votre musique, comme des références à un univers cinématographique.
Steven Cassiers : Pour ma part, je suis influencé par le son et moins par les images, je vais peu au cinéma. Je n’ai pas besoin d’une référence visuelle pour jouer la musique.
B.D. : Je suis plus fan de cinéma que Steven. Fred est lui encore plus impliqué dans le monde du visuel. Selon notre caractère, nous partageons nos sensibilités, mais ce n’est pas quelque chose de conscient.
Fred Lyenn Jacques : Les arts plastiques en général m’intéressent. Toute expérience créatrice a une influence sur la musique. On peut passer ses journées à chercher l’inspiration, mais il s’agit plus d’un paysage psychologique, on associe des images selon son vécu. L’implication émotionnelle passe par les images, mais ce n’est pas délibéré.
B.D. : Si je parle de mon point de vue, je pense en images, c’est ainsi que mon cerveau fonctionne. Quand les deux autres musiciens jouent, c’est plutôt abstrait, je le visualise, je place un nouveau son en réaction. L’image et le son sont liés pour moi.

Dans Dans © Alex Schuurbiers

«C’est la première fois que l’album ne comporte que des compositions à nous. C’est une évolution depuis le premier album.»

Cet album est aussi le premier entièrement constitué de compositions personnelles.
B.D. : Nous jouions beaucoup de reprises, en effet. C’est la première fois que l’album ne comporte que des compositions à nous, c’est une évolution depuis le premier album. Sur le premier, il y avait juste un morceau à nous, on jouait des morceaux de Monk, Mingus… Nos premières compositions, c’était souvent des idées de Fred ou de moi, mais maintenant les morceaux sont créés ensemble, c’est un vrai travail collectif.

«Tout ce que Christine Verschorren ajoute reste très fidèle au son d’ensemble du groupe. Ce qui ne s’entend pas nécessairement quand on écoute l’album, mais c’est bien là.»

La présence de Christine Verschorren à la production est quelque chose qui a influencé votre son ? La fluidité de la musique ?
B.D. : Sur chaque album, on a enregistré live. C’est encore le cas ici en grande majorité, mais je suis sûr que l’auditeur a l’impression du contraire. Par exemple, Fred parvient à jouer plusieurs choses en même temps. Moi j’utilise des cassettes, mais c’est en live. Steven ajoute des synthés, mais c’est aussi en live.
F.L.J. : Christine a une façon de travailler particulière, elle place énormément de micros pendant la prise, parce qu’elle joue avec l’air, avec le son, dans l’espace. Durant le mix, elle capte la matière physique de la musique de façon très particulière. Ça contribue beaucoup au son de l’album. Pendant la prise de son, Il y a une recherche qui est subliminale et qui est intrinsèque au son. Plusieurs fois, Christine a expliqué qu’elle cherchait à évoquer notre interaction à un niveau atomique presque. Je crois qu’elle a réussi à faire ça très bien. Il s’agit de transmettre l’évocation d’une interaction, plus que de sortir des détails.
B.D. : Je suis tout à fait d’accord. Elle a beaucoup influencé la façon dont évoluait le live. Elle est attentive aux choses très subtiles. Pour un morceau, j’ai utilisé plusieurs guitares de façon improvisée sur certains passages sans savoir ce qu’elle allait faire avec, et les choix qu’elle a faits sont très précis. Elle a clairement ajouté un supplément aux compositions.
S.C. : Tout ce que Christine ajoute reste très fidèle au son d’ensemble du groupe, ce qui ne s’entend pas nécessairement quand on écoute l’album, mais c’est bien là.

Dans Dans © Geert Vandepoele

«Il y a moins de gestes, moins de notes, ça a du sens.»

Les différences d’intensité ainsi que la fluidité dans la musique créent aussi une sorte de dramaturgie.
B.D. : Il y a les deux. Personnellement, je suis très fier de cet aspect sur cet album. Avant que Christine ne soit là, nous avions déjà beaucoup travaillé sur chaque morceau séparément pour avoir un ensemble de sons qui aient une identité spécifique, tout en veillant à ce que le tout soit cohérent. Après, Christine est venue et a encore poussé ces choses qu’on avait développées et amené le tout à un niveau plus haut, le son de la batterie a un sens, chaque son séparément a une importance. Dans ce sens, elle a été la bonne personne au bon moment. C’est lié au fait qu’il y a moins d’effet jam, il y a plus de communication sur cet album, sans dénigrer ce qu’on a fait avant, il y a ici moins de notes, moins de gestes, ça a un sens.

Bert Dockx © Annie Boedt
Bert Dockx © Geert Vandepoele

«L’impression générale, c’est que la presse francophone est plus réticente vis-à-vis des groupes flamands.»

Avez-vous des retours différents en Flandre et en Wallonie ?
B.D. : Que ce soit en Flandre ou en Wallonie, on a un mix de retour et je trouve ça super. Il y a des gens qui sont de vrais auditeurs, qui écoutent notre musique en y détectant les subtilités. Il y en a d’autres qui apprécient le paysage sonore qui se dégage. Enfin il y a ceux qui aiment le côté plus rock, ou plus électronique, on a de tout. Mais on a moins de connexions, moins de presse du côté francophone.
F.L.J. : On a tout de même quelques journalistes francophones intéressés par Dans Dans, mais ça reste compliqué. L’impression générale c’est que la presse francophone est plus réticente vis-à-vis des groupes flamands.
B.D. : Mes expériences de concerts en Wallonie ont toujours été super, c’est souvent très chaud, très réceptif. Je me souviens de ce super concert de Ottla en Gaume, c’était génial. Mais c’est clair qu’on aimerait en avoir plus…

Dans Dans © Geert Vandepoele

Dans Dans
Zink
Unday Records / N.E.W.S.

Chronique JazzMania

Une collaboration Jazz’halo / JazzMania

Propos recueillis par Jean-Pierre Goffin / Photos : Geert Vandepoele, Annie Boedt (merci Jazz’Halo) et Alex Schuurbiers