Django Reinhardt

Django Reinhardt

Django Reinhardt, Le nouveau quintette

Les années de guerre (1940-1943)

LABEL OUEST

Au déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale, Django Reinhardt et Stéphane Grappelli sont en tournée en Angleterre. L’un reste sur le territoire anglais (Stéphane), l’autre file dare-dare vers la France. On est libre d’interpréter ça comme on voudra, mais le fait est que cela va relancer totalement la carrière, et surtout la musique, du guitariste gitan. L’idée lui vient aussitôt de composer de nouveaux morceaux (il dicte la musique à ses compagnons) et de mettre en place une nouvelle formation, avec une anche, saxophone ou clarinette. On lui recommande un jeune musicien, peu habile encore au ténor. Il l’entend à la clarinette et lui intime l’ordre : « ne lâche plus jamais cet instrument ». L’heureux élu se nomme Hubert Rostaing. Ils vont enregistrer « Nuages ». La première prise ne satisfait pas Django (il a bien raison, le texte est là, mais pas la musique). Il double la clarinette avec une autre clarinette, pour donner plus de moelleux encore à certaines parties. Alix Combelle s’y met. Et là, même pour un auditeur rompu au jazz le plus contemporain (du bop au free en passant par tout l’Hexagone), l’incroyable s’opère. La musique de la guerre, de la résistance souterraine d’un peuple égaré, la musique de la victoire, se fait entendre en toute liberté : d’abord une sorte d’accord tordu, répété plusieurs fois, sonne comme une question que tout le monde se pose. Mais qu’est-ce qui nous est tombé sur la tête ? La réponse vient, avec la douceur des clarinettes et du thème, génialement appelé « Nuages ». Vous connaissez mieux pour évoquer le trouble, sans préjuger de ce qui va suivre ? Moi pas. Après un temps de douce rêverie, Django arrache son solo, comme d’habitude. C’est un chef-d’œuvre, c’est intemporel, et toute la musicologie du monde ne dira rien de l’émotion qui vous étreint, qui est de vérité et non de savoir. Je vous laisse découvrir la suite (deux CD). Vous ne manquerez pas de vous arrêter sur l’emballant « Swing 41 », son homologue de 42 (c’est mon année, alors vous pensez bien !), « Manoir de mes Rêves », et le fameux « Rythme Futur » qui indique à quelle hauteur musicale se situait la pensée de monsieur Reinhardt, prénommé Django, fondateur d’un style et d’une maison-mère qui aura rapporté beaucoup (et tant mieux) à son beau peuple. Il n’est pas jusqu’à l’impayable et plutôt raide « Festival Swing » qui ne puisse vous ravir, avec Charles Delaunay qui présente les musiciens sur un ton d’une tristesse bien dissimulée, et finalement Le Jazz français sur un air qui ressemble à s’y méprendre au militant « In The Mood » de Glenn Miller. Tout ça bien sûr au nez et à la tonsure de nos chers occupants, probablement occupés à autre chose.

Philippe Méziat