
Donder, les yeux fermés
Donder, une musique qui se joue…
et qui s’écoute, les yeux fermés !
Ça bouge chez nos voisins du Nord. On ne nous le sortira pas de la tête ! De très jeunes groupes foisonnent sur la scène flamande des musiques improvisées… Tandis que Die Anarchistische Abendunterhaltung fêtent leur vingt-cinquième anniversaire en revenant par la grande porte, d’autres n’ont pas attendu le moindre feu vert pour manifester leur présence sur la Place. Dans Dans, Nordmann, Echo Beatty… DONDER et tant d’autres nous soulèvent par leur enthousiasme. Partons à la rencontre de l’un d’entre eux !
Donder : concert à l’An Vert (Liège, 14 avril 2017)
C’est à Liège, dans le cadre intimiste et chaleureux de l’An Vert, tout juste à Djud’la (Outre-Meuse), que les trois jeunes musiciens de Donder nous avaient donné rendez-vous. Une veste Adidas jetée sur les épaules de l’un, un air angélique chez un autre… rien jusqu’alors ne nous prédisait que ces trois-là (trois fois vingt-deux ans !) allaient nous bousculer, en toute quiétude. Enfermés dans leur bulle, les trois adolescents libéreront leur musique précieuse (nous n’avons pas dit arrogante!), jusqu’au bout du ressenti. Une formation classique (piano/basse/batterie) pour une musique qui, pourtant, nous a sortis des sentiers battus.
Qu’importe l’âge en fait… Les gestes sont précis, le swing est vaporeux. Et une fois encore, on pense au fantôme de Mark Hollis (qu’ils ne connaissent pas vraiment). Lequel aurait sans doute, comme nous, frissonné de plaisir à entendre ces longs développements improvisés, la construction d’une bulle protectrice qui éclate pour mieux se reformer… La musique de Donder est introspective, simplement belle. La musique de Donder se joue et s’écoute les yeux clos.
Interview, même soir, même lieu
Harrison Steingueldoir (piano), Stan Callewaert (contrebasse) et Casper Van De Velde (batterie) ont répondu à nos questions, tout en douceur. Exactement de la même manière qu’ils avaient répondu à notre attente, quelques minutes plus tôt, sur la petite scène de l’An Vert.
Jazz Around : comment explique-t-on que trois jeunes garçons de vingt-deux ans s’intéressent au jazz ?
Harrison : Depuis que j’ai l’âge de sept ans, je m’intéresse au son particulier qui peut sortir d’un piano… J’ai alors demandé à suivre les cours à l’Académie (à Knokke). Après cinq ans de cours classiques, tu pouvais choisir l’option jazz. J’ai choisi cette option car la musique jazz est plus expressive ; elle offre plus de possibilités au niveau de la recherche des sons, de la composition, des improvisations… A l’âge de dix-sept ans, je suis entré au Conservatoire royal d’Anvers. C’est là que j’ai rencontré Stan et Casper.
Jazz Around : malgré votre jeune âge, votre musique est très introspective, … mature !
Harrison : Nous travaillons beaucoup ensemble. Nous nous lançons dans de longues sessions, très intensives, avec beaucoup d’improvisation. Parfois, ça marche ; parfois, ça ne donne rien… Ensuite, nous en parlons tous les trois autour d’un bon verre… Nous parlons beaucoup en fait ; c’est une relation de confiance qui nous unit… et alors tout devient possible. Ce soir, à l’An Vert, dans cette petite salle, les conditions idéales étaient réunies pour que nos improvisations aboutissent à un bon résultat…
Jazz Around : Parlez-nous un peu de la nouvelle scène du jazz flamand en général, à Anvers en particulier…
(ils se regardent, citent quelques noms…)
Harrison : Nous n’en sommes pas vraiment conscients… Je n’ai pas l’impression qu’il existe une scène particulière à Anvers. Par contre, il y a de plus en plus de Conservatoires. On remarque aussi que nos professeurs sont très jeunes, sans doute un peu plus ouverts à d’autres courants musicaux… A nos débuts, c’est Free Desmyter qui nous a pris en charge. La modernité qui caractérise notre musique s’explique sans doute comme ça…
Jazz Around : « Donder » (« tonnerre » en français – NDLR). Pourquoi avoir choisi ce nom ? Est-ce que ce mot n’évoque pas le bruit ? Votre musique est loin d’être bruyante !
Stan : Nous avons choisi ce nom car notre musique s’inspire des sons de la nature, comme le vent par exemple… On peut aussi y voir un contraste… entre le calme et la tempête.
Casper : C’est vrai ! Même si notre musique n’est pas dynamique, elle reste intense…
Harrison : Notre musique n’a pas toujours été celle que tu as entendue ce soir… Elle a évolué avec le temps.
Jazz Around : Il y a des atmosphères très particulières, des références cinématographiques. Serez-vous les premiers Belges signés chez ECM ?
Harrison : C’est un compliment ! On a écouté, mais on ne s’y retrouve pas vraiment… Peut-être la musique du Nord ? En fait, nous avons grandi au milieu de plusieurs influences, pas seulement le jazz d’ailleurs…
Stan : notre musique est très visuelle, … ça se passe dans nos têtes. On se fait un scénario (sourires).
Harrison : Parfois, on écrit un mot sur un bout de papier… et on imagine la suite en improvisant… On utilise pratiquement pas de partitions. Nos compositions sont instantanées.
Casper : Quand nous jouons, nous nous renfermons à trois dans une bulle. Parfois, la bulle éclate ; puis nous nous retrouvons à nouveau. On n’a aucune idée de la méthode qu’utilisent les autres groupes. Je me rends souvent compte sur les photos que je joue avec les yeux clos… C’est un signe, même si je fais des efforts pour les ouvrir un peu plus (sourires). Notre musique est jouée pour détendre !
Quelques informations encore
Il reste encore quelques exemplaires du CD qu’ils ont auto-produit : « Still » (2016). Mêmes atmosphères introspectives (pour des compositions plus courtes), richesse des sons… Un maître achat que vous pouvez effectuer via leur site gedonder.weebly.com ou sur les réseaux habituels (Facebook, bandcamp) ;
Dans l’immédiat, le trio se rend à Copenhague pour deux concerts, … et y enregistrer leur deuxième album en compagnie du saxophoniste / clarinettiste danois Lars Greve. L’album devrait être disponible l’année prochaine. On en reparle !
Yves « Joseph Boulier » T.