El Memorioso : De l’utilité et des inconvénients de la mémoire pour l’improvisation

El Memorioso : De l’utilité et des inconvénients de la mémoire pour l’improvisation

Le Fondeur de Son

Il ne faut pas se laisser impressionner par le titre à rallonge. « De l’utilité et des inconvénients de la mémoire pour l’improvisation » ne se veut pas un manifeste intellectualisant pas plus qu’il n’incarne une posture doctrinale empesée. Le sujet abordé ici est celui de la mémoire en musique, et plus exactement de son rôle à travers l’improvisation. La démarche peut se résumer comme suit : « improviser librement pendant un certain temps, puis tenter de rejouer à l’identique, une ou plusieurs fois, en s’appuyant sur les seules ressources de la mémoire, l’improvisation, qui vient d’être réalisée. » Ainsi énoncé, l’exercice relève de la gageure tant il sollicite la mémoire du musicien à bien des égards. Les difficultés de le mener à bien tiennent aussi dans la restitution collective, rendant illusoire tout objectif de réplication fidèle à la première mouture.

El Memorioso réunit Xavier Camarasa (piano préparé), Julien Chamla (batterie), Julien Pontvianne (clarinette), Olivia Scemama (contrebasse), Nicolas Souchal (trompette) auxquels se joignent – à part entière – une responsable de la prise de son et du mixage et un responsable des protocoles requis pour conduire les sessions : Clément Canonne. Ce disque est leur deuxième album après un premier paru en 2019 (« Cinq formes du temps »). Ce n’est pas tant la musique finale – celle enregistrée et mixée qui nous est donnée à écouter – qui retient notre attention, mais le processus antérieur ayant mené à sa concrétisation matérielle dont on s’efforce d’imaginer les paliers successifs. Il n’est pas surprenant qu’une de ces suites, « Le cas de Clive Wearing », fasse référence à ce chef d’orchestre et pianiste anglais victime d’amnésie sévère, sa mémoire s’effaçant toutes les 30 secondes, tel un disque dur constamment reformaté. Le temps passé ne revient jamais, sauf dans les arcanes de nos mémoires.

Eric Therer