Erik Bogaerts, de Mephiti à Llop

Erik Bogaerts, de Mephiti à Llop

Erik Bogaerts, de Mephiti à Llop

par Yves « Joseph Boulier » T.

Le sextet atypique Mephiti nous a rendu visite à l’An Vert de Liège ce vendredi 23 mars… L’occasion pour eux de défendre un premier cédé édité sur le label gantois El Negocito… et l’occasion pour nous de rencontrer leur leader, le saxophoniste Erik Bogaerts pour un entretien sympa !

Mephiti en concert à l’An Vert

(Liège, le 23 mars 2018).

Ils sont six… Alignés quasiment sur une même ligne… Un sextet atypique agencé autour de leur leader, le saxophoniste Erik Bogaerts (aujourd’hui citoyen à Anvers). Atypique en effet… Face à nous, outre Erik Bogaerts, nous retrouvons les frères Stijn (batterie « minimalisée ») et Bert (guitare) Cools, Brice Soniano à la contrebasse, Ruben Machtelinckx (guitare) et Indré Jurgeleviciutè (une musicienne d’origine lituanienne qui joue sur une sorte de harpe horizontale, le kanklès). Peu de mots, beaucoup de concentration… Lors du premier set, le groupe enchaîne quelques morceaux de l’album, mixés les uns aux autres, sans temps morts. Les atmosphères sont planantes ; la musique se meut lentement en petites touches ambients, presque dubs…  Dès le retour de la pause, Mephiti nous replonge à nouveau dans un climat chuchoté, tout en réserves… Pas d’excitation, juste un peu de moiteur dans laquelle nous nous abandonnons volontiers, dans l’attente d’un printemps qui n’en finit pas de se refuser à nous…

Erik Bogaerts en interview   

Ta musique semble se nourrir de plein d’influences… Mais elles appartiennent toutes à l’histoire moderne du jazz… On entend du dub, de l’ambient…

Erik Bogaerts : j’écris ma musique en fonction des musiciens avec lesquels je vais la jouer… Ca peut être en trio ou, comme aujourd’hui, en sextet… Je parlerais davantage de « ressenti » plutôt que d’influences… En vérité, je connais peu la musique des autres…

Cela reste néanmoins très moderne !

E.B. : oui, c’est le cas pour ce que tu as entendu ce soir… Ou pour Llop, mon autre formation actuelle… C’est pas du swing… Mais le swing ne me déplaît pas non plus… Je pourrais très bien en jouer aussi… Tout dépend à nouveau avec qui je me trouve. En fait, en Belgique, il y a plein de musiciens talentueux ! Des gens qui jouent des standards, du groove, des fusions hip hop… J’adore tout ça ! Disons qu’en ce moment, j’ai besoin d’un peu de calme (il sourit)… Mais j’ai déjà des idées pour plus tard. Ce sera plus énergique !

Tu as une façon très particulière de jouer du saxophone… Ca me rappelle un peu Jon Hassell…

E.B. : qui ?

Jon Hassell… Il a fait de l’ambient avec Brian Eno… Certaines phrases sont enregistrées à l’envers, ce qui donne un son particulier à sa trompette, avec le souffle à la fin…

E.B. : waouw ! Il faut absolument que j’entende ça ! (je lui épelle le nom du trompettiste américain qu’il note soigneusement sur son smartphone). Pour en revenir à mon jeu, tu as raison… On dirait que la première note manque hein ? (il rit). Je connais pas mal de souffleurs – pas nécessairement des saxophonistes – qui ont un son un peu particulier, comme le trompettiste norvégien Arve Henriksen par exemple. Sa texture est proche de celle de la voix… J’adore ça ! Là, oui, clairement… C’est une influence ! J’aime beaucoup le son de l’alto : un son dominant… J’ai essayé le ténor, mais ça ne m’inspire pas… L’écriture est un long chemin… Ce n’est pas parce qu’on trouve un son particulier ou une mélodie intéressante que le morceau va fonctionner…

Est-ce-que je me trompe si je prétends que pour toi, le son est au moins aussi important que le rythme ou que la mélodie ?

E.B. : c’est tout à fait ça ! Nous cherchons un équilibre entre nous… Notre musique est méditative. Mephiti, c’est avant tout une question d’atmosphère. Parfois, quand je réécoute un enregistrement, je me demande lequel de nous a produit tel ou tel son… C’est intéressant !

On ressent beaucoup de retenue chez chacun… La batterie est simplifiée, pas de caisse claire…

E.B. : Stijn (Cools, le batteur – NDLR) a trouvé sa voie, je trouve… Il n’est plus tout à fait un batteur. Il est devenu un mélodiste comme nous tous… 

Un dernier mot sur la scène flamande actuelle, qui n’en finit pas de nous étonner…

E.B. : c’est vrai qu’il se passe beaucoup de choses en ce moment ! Il y a plein de jeunes musiciens qui arrivent… Ca part dans tous les sens, avec des connexions vers le hip hop ou vers les vieux standards… Qu’importe la ville où ils naissent finalement… Il n’y a que cinquante kilomètres de distances entre elles…

Quelques informations encore

« Mephiti », un premier cédé éponyme du sextet d’Erik Bogaerts vient de paraître sur le label gantois El Negocito (lire à ce sujet notre chronique publiée ce 20 mars) .

Disponible également chez El Negocito, « J, Imp », un cédé attribué au quartet de jazz ambient Llop.