Erik Truffaz au Botanique (Bruxelles, 27/01/24)

Erik Truffaz au Botanique (Bruxelles, 27/01/24)

Erik Truffaz Quintet © Jacques Prouvost

Il y a un an ou deux, en répondant à une « commande » du festival d’Angoulême où on l’invitait à venir jouer quelques thèmes du cinéma français avec son groupe, Erik Truffaz n’imaginait pas, à ce moment, qu’il allait se prendre au jeu.

S’en sont suivis quelques concerts, puis un sérieux enregistrement studio. Avec un nouveau casting. Outre le fidèle Marcello Giuliani à la basse, il convoque Matthis Pascaud à la guitare, Raphaël Chassin aux drums et Alexis Anérilles au Fender Rhodes. Et voilà, coup sur coup, deux perles : « Rollin’ » et « Clap! ».

Ce samedi 27 janvier, le trompettiste et sa bande remplissent à ras bord l’Orangerie du Bota. J’avais vu la « première belge » à Soignies, puis revu le groupe à Gouvy. Le quintette a eu le temps de se rôder, de prendre encore plus d’assurance et certainement plus d’aisance.

Ça joue « jazz ». On garde les codes pour se libérer. La setlist est approximative et elle se laisse surtout porter par l’énergie du moment, comme lorsqu’on fouille dans sa DVDthèque. Tout est permis. Il y a des digressions et de l’impro à l’envi. Et les compagnons d’Erik ne demandent que ça.

On fait revivre « L’Alpagueur » et « Fantômas ». Le trompettiste ouvre l’espace et n’hésite pas à aller provoquer Raphaël Chassin. Fabuleux grooveur qui navigue entre jazz et pop rock. Qui réinvente les solos en les intégrant dans l’espace et garde le fil. Truffaz passe de l’autre côté de la scène. Alexis Anérilles fait sonner le Fender Rhodes de façon vintage et ultra contemporaine à la fois. Ça hurle parfois presque free. Il invente et triture des sons, leur donne des couleurs étonnantes. Erik Truffaz flotte par-dessus, se laisse porter et inspirer.

Erik Truffaz Quintet © Jacques Prouvost

Puis il se retourne vers l’excellent guitariste suisse (dont le nom m’échappe) qui remplace de temps à autre Matthis Pascaud. Celui-ci est incisif et mordant. Il n’hésite pas à enchaîner les chorus presque hendrixiens. Mais pigmente aussi le son d’un esprit western et surf. Et Marcello Giulliani, mine de rien, pousse, renchérit le groove, façonne des phrases pleines de reliefs. Aussi charnelles que puissantes. Ça échange et dialogue à tout va.
Et ça claque sévère !

Mais le quintette sait aussi distiller des ambiances plus mystérieuses et crépusculaires (« Les Choses de la vie », « Belle et Sébastien » ou « Le Mépris »). C’est intimiste aussi, en duo avec le guitariste sur « Lonesome Cowboy », emprunté à l’un des premiers films d’Elvis.

La mélancolie se mêle à la nostalgie, joyeuse et potache comme sur cet « Amicalement vôtre », puis repart avec « Le Casse » ou « Route de nuit » et ses tontons flingueurs ! Michel Magne, Ennio Morricone, Philippe Sarde, Michel Colombier… ils sont tous là ! Truffaz danse, souffle la brume ou l’éclair et se réfère parfois au Miles Electric.

Le public est ravi, comme en transe. Il danse, lui aussi, ou ondule. Il a des étoiles plein les yeux et les oreilles. On déguste chaque note. La séance bruxelloise a tenu toutes ses promesses. Erik Truffaz se réinvente d’années en année. Mais il garde son identité. Il change de visage et endosse des rôles qui lui vont à merveille. Comme au cinéma.

Erik Truffaz
Rollin’
Blue Note / Universal

Chronique JazzMania

Erik Truffaz
Clap !
Blue Note / Universal

Chronique JazzMania

Jacques Prouvost