Florian Arbenz : Conversations #5 et #8

Florian Arbenz : Conversations #5 et #8

Florian Arbenz
Conversations #5 Elemental
Hammer Recordings
Florian Arbenz
Conversations #8
Ablaze

Hammer Recordings

Le batteur suisse Florian Arbenz (surtout connu pour son trio Vein avec son frère jumeau Michael au piano et Thomas Lähns à la contrebasse) poursuit son projet initié en 2021 : enregistrer 12 albums en 3 ans, enregistrements qu’il appelle des « Conversations », avec des groupes (de petit format : de 2 à 4 musiciens) différents à chaque reprise. Revenons sur les conversations #5 (« Elemental ») et, la dernière en date, #8 (« Ablaze »), deux disques sortis en 2022.

Pour la cinquième conversation, Florian Arbenz s’est entouré de la saxophoniste (alto et soprano) néerlandaise Tineke Postma, de l’accordéoniste portugais Joao Barradas et du contrebassiste australo-suisse Raphaël Jerjen. Que voici un enregistrement enthousiasmant pour nos oreilles ! A chaque nouvelle écoute, il nous semble que de nouveaux sons apparaissent. Cela est délicat et extrêmement varié. Les fréquents dialogues entre Postma et Barradas, deux musiciens bien connus dans notre pays, sont tantôt électrisants, tantôt sereins et soutenus par une section rythmique aux grooves raffinés. On notera d’ailleurs que si Florian Arbenz est l’incontestable leader du projet, il ne se met absolument pas en avant : son jeu est léger, extrêmement diversifié (usage de nombreuses percussions) et ne prend qu’un seul réel solo (très court) sur tout l’album (« Shooting the Breeze »). On retiendra également quelques compositions « particulières » (toutes de Florian Arbenz à l’exception des deux reprises dont il va être fait mention) : « Small Talk », comme le dit le titre un court (à peine plus de deux minutes) dialogue en duo accordéon-batterie, « Luna Volver » (un beau thème écrit par Dino Saluzzi), un tango bien enlevé, « Prélude », autre très court morceau où le soprano de Tineke Postma nous envoûte, accompagné uniquement par des percussions (Arbenz, bien sûr, notamment avec un gong qui est effleuré, mais également Barradas en caressant les anches de son accordéon). Enfin, « Freedom Jazz Fugue » qui clôture l’album, reprise d’Eddie Harris, est un exercice de style : ce thème a été repris dans six des huit conversations jusqu’ici publiées et dans des couleurs à chaque fois différentes. Que les compositions soient entraînantes ou plus mélancoliques, le niveau est toujours très élevé. Plus que recommandable.

Passons à la huitième… Autre conversation, autres musiciens. Aux côtés de Florian Arbenz, toujours le maître de cérémonie et compositeur de quatre des sept titres, on retrouve 3 souffleurs : le saxophoniste alto autrichien Wolfgang Puschnig (connu pour son important travail dans le Vienna Art Orchestra ou avec Carla Bley), le trompettiste cubain Jorge Vistel (qui a déjà collaboré avec Arbenz dans le projet « Convergence » en 2020) et le tubiste anglais Oren Marshall (qui jouait, entre autres, dans Sons of Kemet avant d’être remplacé par Theon Cross).

« Catch Me if You Can », qui ouvre l’album, est joué sur un rythme virevoltant où chaque musicien prend son solo à tour de rôle. On retiendra surtout les interventions de Jorge Vistel et d’Oren Marshall et le très original travail d’accompagnement d’Arbenz. « Rivulets » est une composition de Puschnig dans laquelle on retrouve différentes ambiances : une introduction sax-tuba, passage par le thème joué par tous, suivi d’un solo de sax, puis d’un dialogue trompette-batterie pour finalement revenir au thème. Quelle maestria, quelle aisance ! Florian Arbenz a invité son frère Michael au piano sur trois morceaux. Ce sont de loin les titres les plus atmosphériques, avec un très beau solo de piano sur « Chorale ». Jorge Vistel a également droit à sa composition (« The Mirror »), où on va et vient de passages plutôt dansants à des phases davantage free, avec un solo de tuba tout en retenue. Et, bien sûr, il y a cette sixième relecture du « Freedom Jazz Dance » d’Eddie Harris, version dynamique, surtout marquée par un solo au hojoki (instrument à vent coréen) joué par Puschnig.

A nouveau, on sort émerveillé par la richesse, la justesse et la variété de la musique proposée. Sur cet album en particulier, le son du tuba (qui remplace la contrebasse) apporte une couleur spécifique, profonde. Il ne nous reste plus qu’à attendre les quatre dernières conversations prévues pour cette année.

Sergio Liberati