Fred Hersch & esperanza spalding : Alive at the Village Vanguard

Fred Hersch & esperanza spalding : Alive at the Village Vanguard

Palmetto Records

En 2020 sortait un EP de cinq titres provenant du concert donné en 2018 au Village Vanguard par Fred Hersch et esparanza spalding, concert à télécharger via bandcamp et vendu au profit des musiciens en difficulté suite à la crise du Covid. Voici que sort chez Palmetto le concert en version longue (plus d’une heure) enregistré au mythique club new-yorkais.

Avec ces deux-là, « jouer de la musique » n’aura jamais été autant à prendre à la lettre : leur interaction tient autant du jeu que de l’inspiration musicale. « Jouer avec Fred, c’est comme si nous étions tous deux dans un bac à sable. » dit esperanza spalding, et il y a en effet quelque chose du plaisir innocent dans leur relation musicale, quelque chose qui tient à la complicité naturelle entre les deux musiciens. On connait le génial improvisateur qu’est le pianiste. Il se fond ici avec la voix d’exception de spalding et réinvente un répertoire si souvent rabâché pour en donner une lecture aussi étonnante que réussie. Prenez d’entrée « But Not for Me », un thème passé par toutes les phases du jazz. Ici, rien à voir avec Errol Garner ou Chet Baker, la lecture est complètement surprenante. Il y a du swing, mais aussi la façon originale qu’a spalding de jouer de sa voix, de ses inflexions, de l’improvisation. Et que dire de ce « Girl Talk » quasi slammé par esperanza, sur un ton quasi désinvolte qui rappelle cette façon qu’avait Sheila Jordan d’interpeller l’audience, et qui prend aussi des couleurs résolument féministes ? Ou cet éblouissant numéro de scat sur « Loro » d’Egberto Gismonti ? « Dream of Monk » est une composition de Hersch, hommage à une de ses plus grandes influences, un titre sur lequel le pianiste a écrit les paroles. On retrouve aussi Monk sur « Evidence ». Avec « Some Other Time » de Cahn/Styne, l’ombre d’une autre référence essentielle dans le parcours de Hersch, Bill Evans, plane tout en douceur et lyrisme. L’album s’achève sur « A Wish », composition du pianiste qu’il enregistra avec Norma Winstone (autrice des paroles) en 2003, une ballade souvent jouée par Hersch sous le titre « Valentine ». A l’écoute de cette pépite, on rêve d’entendre le duo sur les scènes européennes.

Note : les nom et prénom de esperanza spalding sont volontairement écrits sans majuscule, comme le souhaite la chanteuse à la fois sur la couverture de l’album, mais aussi sur son site.

Jean-Pierre Goffin