Hélène Duret «Synestet» : Rôles

Hélène Duret «Synestet» : Rôles

Igloo

Oserais-je avouer que j’avais raté la sortie de son premier album « Les usures » ? Je partais donc dans l’inconnu pour l’écoute de « Rôles », avec toutefois l’a priori positif d’une sortie chez IGLOO, un label qui prend beaucoup de soin dans le choix de ses parutions. La présence dans le quintet de Benjamin Sauzereau et de Sylvain Debaisieux apportait de l’eau au moulin de mon envie de partir à la découverte de la musique de la clarinettiste. Benjamin Sauzereau avec les « Chroniques de l’Inutile » et ses albums solo nous a toujours offert une musique vivante, originale et enthousiasmante. Quant à Sylvain, que ce soit avec Pentadox, Lynn Cassiers, Terpsichore, Martin Salemi ou, plus loin, le brillant projet « Heptatomic » d’Eve Beuvens, il n’a jamais cessé de marquer de sa personnalité tous les groupes qu’il a croisés. Ajoutons Fil Caporali à la contrebasse, et le batteur français Maxime Rouayroux, voilà un line-up qui ne manque pas d’exciter l’écoute.

Et c’est bien le cas avec ce disque dans lequel on apprécie le sens mélodique des compositions, toutes de la clarinettiste sauf « La mesure du possible » de Sauzereau et « Mouillette », une pièce improvisée par le guitariste et le batteur. Une pièce en duo pour ouvrir l’album, une autre pour le clôturer. La mise en place est, elle aussi, soignée et réfléchie, avec une volonté de mettre en avant les membres du quintet. Car c’est là l’un des intérêts de l’album : on n’a jamais l’impression d’entendre un quintet de jazz, tant les parties des solistes s’intègrent avec le raffinement d’une musique de chambre. « Hier » est une petite merveille de composition, tout comme « Reine sous terre ». Le solo de Fil Caporali sur « Pas de Signal » est lui aussi un grand moment de sonorité douce. Car si l’album brille par ses compositions et l’agencement des morceaux, le son d’ensemble est lui aussi prenant de bout en bout, preuve sans aucun doute du travail d’équipe que le projet a développé. Quant à la « directrice » – prendre une direction, une esthétique – du projet, on aurait pu imaginer chez elle l’influence des grands clarinettistes français (Sclavis, Kassap, Portal), mais c’est plutôt du côté de Jimmy Giuffre qu’elle a puisé son sens de la mélodie, de la pureté du son et du mouvement dansant (la danse, un art qu’elle a par ailleurs pratiqué).

En deux mots, un disque à se procurer sans hésiter, d’autant que pour voir le quintet sur scène en Belgique, il faudra attendre janvier 2023.

Hélène Duret sera en interview ce mercredi dans JazzMania.

Jean-Pierre Goffin