Hugo Lippi : Reflections in B
Caramba Records / For Musicians Only
Comme le lys, l’oreille se dresse à la fin du jour pour écouter ce disque dans le silence de la nuit, moment privilégié pour rendre justice à une musique si intimiste et au lyrisme si intense. Que le son de cette guitare est fluide et clair ! Pas un frottement sur les cordes, par d’effets ni bruit parasite, aucune surcharge pour perturber cette douce ascension au jardin d’Eden. Les songes nocturnes s’épanouissent à l’écoute de « A Child Is Born » tandis que le frémissement presque secret des cordes fait naître une ondée de délicatesse sur le splendide « Reflections in B ». Voici des instants mêlés de rêverie, de mystère et de sensation qui peuplent les replis les plus obscurs de la longue nuit blanche du mélomane ! Guitariste anglo-français installé très vite au Havre et ensuite à Paris dès 1998, Hugo Lippi a déjà une flopée d’albums en sideman et quatre autres en leader derrière lui avant d’aborder celui-ci. Les fans de jazz belge se rappelleront entre autres l’excellent « Six Strings Under » d’Eric Legnini dans lequel il partage le département des six-cordes avec Rocky Gresset. Dix titres sont présentés ici, dont le morceau éponyme écrit par le guitariste et neuf reprises qui témoignent à la fois de son attachement à la tradition de la guitare jazz (« Be Yourself » de Kenny Burrell) et aux standards (« But Not For Me » de Gershwin et « All the Things You Are » de Jerome Kern) mais aussi de son ouverture à des musiques diverses n’appartenant pas à la sphère du jazz (« Wuthering Heights » / « Babooshka » de Kate Bush, « Land of Hope and Glory » du compositeur britannique Edward Elgar ou « Girl » de Lennon / McCartney). Dans tous les cas, les interprétations sont personnelles, riches et parfois techniquement époustouflantes même si la virtuosité ne prend jamais le pas sur la lisibilité de la composition. Éditée paradoxalement dans la collection For Musicians Only du label Caramba Records, cette musique, pour aventureuse qu’elle soit, est si belle et si pure qu’elle s’offre à tout le monde.
Il a fallu, paraît-il, une journée à Hugo Lippi pour enregistrer « Reflections in B », son premier album de guitare solo… ou plutôt, comme il est écrit dans le dossier de presse en paraphrasant une boutade de Picasso, « une journée et une bonne vingtaine d’années de carrière ». C’est exactement ça !