Jazz en France : Cri du Coq

Jazz en France : Cri du Coq

“La « création » est un mot qui revient souvent dès lors qu’on évoque le champ de la culture. Pourtant c’est un concept qui doit être reconsidéré quand il s’agit de l’appliquer au jazz, car il implique souvent la notion d’œuvre nouvelle, écrite sur commande et qui présente tous les aspects de la modernité telle qu’elle est conçue dans l’imaginaire collectif, c’est-à- dire nécessairement en rupture avec la tradition, ésotérique et d’avant-garde.  Or – et c’est là à nos yeux un point particulièrement important – le jazz et les musiques improvisées ne sauraient se conformer à cette vision restrictive pour la simple raison qu’elles ne cessent de revisiter le passé pour aller de l’avant. Ce constant aller-retour est une des caractéristiques qui fondent son identité. C’est pourquoi il ne faut surtout pas faire de hiérarchie entre la musique originale et la musique de répertoire, les deux propositions étant également valides et même souvent entremêlées. Le groupe de travail note un trop grand décalage entre les projets soutenus par l’Etat via les DRAC et la grande diversité des esthétiques à l’oeuvre en France, notamment sur le répertoire très riche de l’histoire du jazz.”

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Ceci est un extrait du rapport que nous avions remis au ministre de la culture de l’époque, Monsieur Frédéric Mitterrand, à sa demande il y a un peu plus d’un an. Rapport qui était le fruit d’un automne de consultation avec plus de 70 acteurs du jazz en France – musiciens, programmateurs, producteurs, journalistes, etc. – afin de faire le point sur la situation de notre musique et de proposer des pistes de travail pour l’aider à traverser la crise que nous connaissons tous.

Il y a un an, quasiment jour pour jour, nous nous retrouvions à la Maison de la Poésie, pour faire la restitution de ce rapport auprès de la communauté que nous formons. Depuis, plus rien, ou presque. Aujourd’hui, plus personne ne répond. Ni du côté de la Ville de Paris et encore du côté du ministère de la Culture. Aurélie Filippetti semble bien plus préoccupée par les questions liées au théatre et à la création contemporaine, et même du côté de la DGCA (Direction Générale de la Création Artistique, l’administration du ministère), c’est le silence total, alors qu’a été récemment nommé pour la diriger Michel Orier, qui fut à la tête de Label Bleu dans les années 90…

Pourtant, toutes les questions soulevées par ce rapport sont toujours d’actualité, et la situation pour les – toujours plus – nombreux musiciens et ceux qui les emploient ne s’est pas arrangée, loin s’en faut. Que faire alors ? Il me semble qu’il y a un gros déficit d’engagement COLLECTIF de notre part, nous les musiciens, trop affairés sans doute à faire avancer nos projets et à exister dans une arène de plus en plus “concurrentielle”, ou le story-telling importe au moins autant sinon plus que la musique proposée, et où la moindre prise de position un peu polémique peut entrainer des sanctions irréversibles (j’en sais quelques chose). Je ne donne pas de leçon à quiconque, moi-même n’étant pas du tout un modèle. D’ailleurs depuis cette grosse année d’activisme (d’agitation diront certains), j’ai eu besoin de me recentrer sur mes activités musicales. Mais la frustration qui a été à l’origine de cette mobilisation ne m’a pas quitté et je me pose la question de la suite…

Laurent Coq