Jorge Rossy, Stay There
Jorge Rossy, Stay There
Accompagnateur de Woody Shaw, Joe Lovano, Kenny Wheeler, Chick Corea ou Charlie Haden, le Catalan Jorge Rossy est surtout connu pour avoir été le batteur de Brad Mehldau durant une longue période entre 1994 et 2005 ( une période pendant laquelle le trio enregistra les fameuses sessions “The Art of The Trio”). Pour ce nouvel album, il délaisse les baguettes pour les mailloches. Pour le remplacer derrière les fûts, une légende du jazz ni plus ni moins, Al Foster, un musicien qui fit partie du groupe de Miles Davis pendant plus de dix ans, avant d’enregistrer aussi les albums « State of The Tenor » avec Joe Henderson ou de jouer aux côtés de Sonny Rollins ou Herbie Hancock. Pour compléter le quintet, Jorge Rossy rassemble quelques amis avec lesquels il a déjà un long parcours : Jorge Rossy est en effet le drummer du tout premier album du saxophoniste Mark Turner, a joué avec le bassiste Doug Weiss dès 1991 dans la formation du pianiste Kevin Hayes, et enfin a fréquenté le guitariste Peter Bernstein lors de « clinics ». Voici donc un quintet qui a tout d’un all-stars, même si Jorge Rossy s’en défend. Dès les premières notes de Who Knows About Tomorrow, une valse chaloupée qui sonne comme un standard, on est saisi par le souvenir de cette façon souple qu’a Al Foster de jouer des balais – du coup, je me suis repassé les sessions au Village Vanguard avec Joe Henderson. Artesano, une composition de l’Argentin Guilermo Klein dédiée à Jorge, met aussi le drumming impeccable d’Al Foster en évidence. Blessed, basé sur les accords de God Bless The Child, plonge les musiciens dans un jazz pur baigné de tradition. W Waltz serait bien un trois temps en hommage à Wayne Shorter. Voici donc un album moderne, mais aux références bien trempées dans la tradition, une pure merveille où mélodies, harmonies et rythmes tissent une toile musicale profonde et variée qui fait oublier cette notion de « All Stars » évoquée plus haut, mais qui est la marque d’un groupe où l’engagement de chacun dépasse la tentation de tirer la couverture à soi. Un album qui donne une nouvelle dimension à la carrière de Jorge Rossy.
Jean-Pierre Goffin