Jussi Reijonen : Three Seconds | Kolme Toista

Jussi Reijonen : Three Seconds | Kolme Toista

Challenge Records / New Arts International

Sous-titrée « une œuvre transculturelle en cinq mouvements », cette suite épique ambitieuse est composée par le guitariste finnois Jussi Reijonen et interprétée par un ensemble de neuf musiciens originaires du Moyen-Orient, du Japon et des Etats-Unis. C’est aussi une pièce en partie autobiographique, inspirée par les expériences personnelles du leader qui a vécu à différents moments de sa vie en Finlande, en Afrique de l’Est, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord.

Bâtissant sur les différentes cultures évoquées plus haut, la musique est à la fois dépaysante, nostalgique mais aussi parfois dramatique. Le premier mouvement, « The Veil », illustre bien ces différentes qualités. Introduite par un accord de guitare suivi d’un violoncelle aux accents saturniens, la musique évolue librement et, prenant une dimension orchestrale, monte progressivement en puissance pour conduire à un étrange solo joué par le pianiste turc Utar Artun. Les influences « world » ne sont pas apparentes sous la forme de passages dédiés à l’une ou l’autre culture : elles sont véritablement amalgamées, comme dans un creuset, afin de créer une nouvelle musique qui en reflète subtilement les différentes couleurs.

Si le deuxième mouvement, « Transcient », emmené par des percussions, des cordes et par le luth du leader, est d’essence nettement plus orientale, le troisième (« The Weaver », Every So Often Shifting the Sands Beneath Her ») déploie un arrangement orchestral d’une envoûtante langueur. « Verso » comprend quelques sombres explosions riches de belles interventions par le violoniste jordano-iraquien Layth Sidiq, en alternance avec le trompettiste américain Jason Palmer. L’album se referme sur le cinquième et dernier mouvement, « Median », lent et intimiste, enluminé tout du long par le piano évanescent d’Utar Artun.

Avec ses textures sonores sophistiquées, cette suite peut parfois paraître austère, mais c’est un travail exemplaire sur les possibilités de fusion des différentes cultures, le résultat sonnant comme la musique de chambre d’une planète multiculturelle, ouverte et harmonieuse. Par les temps qui courent, une œuvre d’art ne peut pleinement briller que si elle contient au minimum une once d’utopie !

Pierre Dulieu