Loos – Houben, Comptines

Loos – Houben, Comptines

Charles Loos – Steve Houben, 

Comptines

IGLOO JAZZ CLASSICS

Dans la série Jazz Classics, voici que resort, sous le titre “Comptines”, le premier album du duo Loos-Houben, un LP produit par Charles Loos sur le label Hasard et enregistré, selon la pochette sans titre du vinyle, en juillet 1983 par Daniel Léon, et non en 1981 ou 82 comme indiqué sur le cédé. Voilà un duo qui allait tenir la route. Il faut dire que ces deux-là étaient faits pour se rencontrer : le Bruxellois, né en 1951, comme le Liégeois, né en 1950, sont passés par le Berklee College de Boston et ont formé, pour partie, leurs premiers groupes en compagnie de musiciens rencontrés là-bas. Pour Charles Loos, le quintet avec le saxophoniste Greg Badolato  et le guitariste français Serge Lazarévitch (professeur aux Séminaires de Jazz créé par Houben) pour l’album “Sava” de 1981, un quintet qui enregistrera, deux ans plus tard, “Quelque Part” avec John Ruocco. Pour Steve Houben, le groupe Solstice, en 1977, avec, là aussi, Greg Badolato, mais aussi les Américains John Thomas à la guitare, Eddie Dadidson à la batterie et, en invité sur un titre (I haven’t), Chet Baker (un LP simplement intitulé “Stéphane Houben” et enregistré à Ougrée par Michel Dickensheid), puis le groupe Mauve Trafic, avec Greg Badolato (saxophone ténor), Bill Frisell (guitare), Kermit Driscoll (basse) et Vinnie Johnson (batterie), enfin, ce sextet réunissant Steve au saxophone alto, Chet Baker, Bill Frisell, Denis Luxion (piano), Kermit Driscoll et Bruno Castellucci à la batterie (un LP produit par Philippe Defalle sous le titre tout simple “Chet Baker – Steve Houben”).

Après deux albums en solo (“Egotriste” en 1978 et “Tout seul” en 1982), Charles Loos trouve en Steve Houben le compagnon de route idéal pour créer un univers très personnel : celui d’un lyrisme mélodique à fleur de peau qui doit, sans doute, tout autant à un attrait pour une certaine musique classique (Debussy, Satie), comme en témoignent des titres comme Adagio, Ostinato ou Valse de nuit, qu’à la découverte de l’univers jazz de chambre mis en lumière par le label ECM, notamment avec Keith Jarrett en compagnie de Jan Garbarek. Soit une musique indémodable parce que, par essence, hors du temps. Le duo a d’ailleurs traversé les décennies, au gré de différentes rencontres, d’abord avec la chanteuse Claude Maurane (album “HLM” en 1986, puis “Un ange passe” en 2005), ensuite, avec la flûtiste américaine Ali Ryerson (“Vagabondages” en 1991) et, enfin, avec le quatuor à cordes Thaïs (“Au fil du temps” de 2007, comme en miroir à ce “Steve Houben + Strings” de 1983). Pour ce cédé “Comptines”, Igloo a choisi de reprendre 8 des 9 plages du LP (exit la version synthé-alto de Catherine en Campine au profit d’une version plus récente), 8 plages que complètent 4 enregistrements plus récents : deux pièces captées, en mai 2016, dans la Salle Philharmonique de Liège (ce qui nous vaut des versions à l’orgue de Catherine en Campine et de Just A Jazz Waltz, une composition que le pianiste a aussi jouée avec le contrebassiste José Bedeur sur l’album “Le jeune homme et la vie”) et deux enregistrements réalisés, en juin 2016, au studio Igloo (Columban et Ostinato 2). Soit au total, 10 compositions du Bruxellois et 2 du Liégeois Steve Houben (Seuls dans la nuit et ce The Highest Peaks que Steve a enregistré aussi, sur l’album “Blues for Both”, en quartet avec Michel Herr et une rythmique américaine constituée de Curtis Lundy et Kenny Washington). Un répertoire totalement original donc, mais il ne faut pas croire qu’en concert le duo négligeait toute référence au répertoire traditionnel : en témoignent leur version de Lover Man, Night and Day, All Blues ou All The Things You Are côtoyant le Clémentine de Charles Loos, lors d’un concert au château d’Oupeye (enregistrement privé).

Le cédé s’ouvre avec Seul(s) dans la nuit, sur un dialogue intimiste entre soprano et piano que prolonge un  ténor à la sonorité feutrée. Suit Comptine-Adagio, sur un rythme emballé qui s’apaise peu à peu,  les trois saxophones (soprano, alto, ténor) enregistrés en rerecording s’harmonisent aux sonorités ombrageuses du synthétiseur. On retrouve l’attaque incisive du soprano sur Little Notes 3 et Valse de nuit, tandis que la sonorité diaphane de l’alto suit l’envol allègre du piano sur Travers, Les chevilles de Valéry, Ca c’est méchant et le très swing The Highest Peaks. Sur le Catherine en Campine capté dans la salle Philharmonique de Liège, l’orgue, qui se substitue au synthé du LP, confère au thème un air solennel et sur Just A Jazz Waltz, orgue et saxophone alto s’harmonisent dans une atmosphère de recueillement. Le rythme et la ligne mélodique redeviennent plus allègres sur Columban et Ostinato 2, dans un nouveau dialogue voltigeur entre piano et alto. Une évidence au terme de ces 12 compositions originales : le temps n’a pas de prise sur les mélodies lumineuses de l’un comme de l’autre.

Claude Loxhay