Marco Vezzoso, Alessandro Collina, Trilok Gurtu & Dominique Piazza : Travel

Marco Vezzoso, Alessandro Collina, Trilok Gurtu & Dominique Piazza : Travel

Arts in Live / Inouïe Distribution

Comme tant d’autres albums conçus pendant le confinement, « Travel » traduit des envies de voyages à travers le souvenir de ceux qu’on a déjà faits dans le passé. Or, des voyages, le trompettiste Marco Vezzoso et le pianiste Alessandro Collina, qui se produisent ensemble depuis plusieurs années, en ont accompli quelques-uns, posant leurs valises dans diverses cités du monde dont ils ont cherché à retranscrire musicalement les ambiances particulières. Enregistré dans le studio Mazzi Factory de la jolie ville ligure de Toirano, le disque offre ainsi huit portraits de métropoles aussi différentes que Tokyo, Prague, Jakarta, Oslo, Manille et Phnom Penh. Pourtant, si la musique, souvent nostalgique, exprime des émotions fugaces inspirées par ces cités légendaires, elle n’est toutefois pas à tendance world. Ecrites à quatre mains, les compositions des deux leaders sont avant tout mélodiques, le lyrisme de la trompette étant sublimé par les contrepoints délicats du piano. Bien entendu, les percussions de l’immense Trilok Gurtu, convié à la fête, sont parfois dépaysantes, introduisant un parfum d’exotisme plus appuyé sur les titres qui l’exigent comme sur « A Tuk Tuk for Phnom Penh » ou « Wake up in Manila ». Mais globalement, c’est plutôt à un jazz moderne d’inspiration occidentale qu’on a affaire ici, avec des thèmes harmonieux qui ouvrent sur l’improvisation.

Le deuxième complice invité pour compléter le quartet est aussi une pointure : le Français Dominique Di Piazza, dont John McLaughlin disait qu’il était l’un des plus grands bassistes au monde. Ce disque aura été l’occasion pour lui, trente années plus tard, de retrouver Trilok Gurtu avec qui il fit partie en 1991 du fameux trio de McLaughlin. Quoique relativement sobre sur ce disque, il se fend néanmoins de quelques rares solos où l’on retrouve sa sonorité aiguë si particulière, ainsi que l’attaque franche qui caractérise son jeu. L’écouter s’envoler sur « Moonlight in Prague » est déjà en soi un moment festif. Cela étant, ni lui ni Trilok ne cherchent ici à jouer les virtuoses, mettant plutôt leur technique sans faille au service de la musique de leurs hôtes.

Les climats chatoyants, les thèmes chantants et le côté chaleureux apporté par une rythmique dynamique rendent ce disque accessible et très agréable à écouter. « Travel » n’offre pas un voyage touristique autour de sensations exotiques de pacotille. C’est davantage l’esprit des villes visitées qui est invoqué ici, dans une poétique de la géographie où l’émotion prime sur l’apparence.

Pierre Dulieu