Miles Davis : The Lost Septet

Miles Davis : The Lost Septet

Sleepy Night Records / Suburban

Nous sommes entre le 17 octobre et le 20 novembre 1971. Miles Davis effectue une tournée européenne de 25 dates. Et 1971 est une bonne année pour lui, il s’est libéré des drogues et a remporté deux gratifiants awards (Downbeat et Playboy). Il fait escale au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles le 26 octobre et le 5 novembre, c’est au Wiener Konzerthaus de Vienne qu’il se produit avec son septet. Ce concert est enregistré pour une diffusion radio et presque 50 ans plus tard, il est désormais disponible pour tous sur ce double cd. Qui est aussi le seul témoignage sonore en rapport avec l’existence de ce groupe, aucun enregistrement studio n’ayant jamais été effectué par cette formation ! Dans laquelle nous retrouvons Gary Bartz aux saxes, Keith Jarrett au piano et orgue électrique, Michael Henderson à la basse, Ndugu Léon Chancler à la batterie, puis Charles Don Alias et James Mtume Foreman aux percussions. A l’époque, Miles est en pleine transition musicale. Il veut plus de rock, plus d’électricité dans son jazz : c’est par le travail de Jimi Hendrix qu’il se dit fortement influencé. Et le meilleur moyen qu’il trouve pour se connecter au guitariste c’est de brancher une pédale wah wah à sa trompette ! Ce qui est troublant c’est qu’il parvient parfois à faire sonner son cuivre comme une guitare. Lors de cette tournée ce sont des extraits des albums « Live Evil », « Bitches Brew », « In A Silent Way » et « Jack Johnson » qui sont joués. Des albums proches de son actualité discographique. Pour preuve de son implication dans ce jazz fusion du début des seventies, à son bassiste qui lui demandait s’il devait apprendre du matériel plus ancien, il répondra : « If you learn that old shit, you are fired ». Ambiance. Ce que Miles voulait pour ces concerts c’était de céder beaucoup d’espaces à l’improvisation. De la liberté pour tous. Et chacun va bénéficier de temps pour exprimer son talent, mais rarement en véritable solo. Régulièrement un autre instrument se place, un dialogue, une attaque sonore se fait, puis les autres s’invitent pour le fracas. C’est le dense « Directions » qui ouvre le concert, Jarrett lance « Honky Tonk », le gros son de la basse d’Henderson lamine « What I Say ». C’est souvent free, parfois sonique, Miles place beaucoup de notes, de sons aigus, les percussionnistes se la jouent librement, la batterie en fait de même… Mais le premier cd se termine bizarrement, le titre « Sanctuary » n’est pas complet ! Le second cd s’ouvre avec « It’s About That Time » et ici, c’est encore plus dense, le groupe joue vraiment à l’unisson et nous offre un superbe moment. Tout comme « Yesternow » où Miles nous fait la démonstration de son talent, essentiellement soutenu par les percussions et la batterie. Puis tout le monde se retrouve pour un percutant « Funky Town ». Décidément plus le concert avance, plus étoffée est la musique du septet. Ça pulse, groove, suinte et Miles explose, offrant une déferlante de sons, imposant son leadership sur ce second cd tout aussi convaincant… Et le tout se termine sur une reprise de « Sanctuary », avec un long duo batterie / percussions. On sait que la discographie de Miles Davis est considérable mais il y avait un chaînon manquant dans sa ligne du temps. On l’a retrouvé. Et c’est un régal.

Claudy Jalet