Mount Meru

Mount Meru

MOUNT MERU

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A 23 ans, Sanne Huysmans et Niels van Heertum ont l’audace de la jeunesse : un premier album né dans les conditions qu’ils nous racontent ci-dessous, enregistré à De Warande, Turnhout, par Ted Masseurs (Jef Neve, Joachim Badenhorst,…), mixé par Werner Pensaert ( U2, Hooverphonic, Jef Neve) et masterisé par Darcy Proper (Steely Dan, The Eagles, R.E.M., Donald Fagen), et enfin publié par Challenge Records, un des labels les plus actifs du Benelux… N’en jetez plus : il fallait rencontrer ces jeunes Gantois qui font du jazz, de la pop, du folk,… de la bonne musique, punt aan de lijn.

Bonjour Sanne, vous pouvez en quelques mots vous présenter ?

Je viens de la pop, j’ai joué de la flûte à l’académie, je me suis mise à la guitare et j’ai commencé à écrire des chansons. Les autres musiciens viennent du jazz. J’ai écrit les morceaux avec Niels qui est un musicien de jazz full time, c’est un bon mélange. » On n’ en saura pas plus… Sanne préfère parler de ses partenaires… « Les musiciens du groupe sont tous d’excellents instrumentistes, moi,  je suis là pour introduire la chanson, l’histoire. Ce que je n’aime pas dans la pop, c’est que ce soit souvent superficiel, la musique importe souvent trop peu, il n’y a pas souvent de sens dans la musique ;  ici, c’est quelque chose que les musiciens peuvent apporter parce qu’ils ont une grande ouverture. 

La liberté du jazz et la forme de la pop ?

Il y a de la liberté pour les musiciens ; pour moi, normalement aussi, c’est un procédé qu’il faut rôder, ce n’est pas un processus naturel pour moi, ça s’apprend, c’est une adaptation énorme. Je ne vois pas le jazz comme un style, mais comme une manière d’être sur la scène, et je dois m’adapter à ce point de vue.

Dans le jazz ou dans la pop, on chante souvent en anglais ; curieusement vous avez choisi le français.

Je chante en français c’était un choix artistique, parce que je trouve que c’est une langue très musicale ; d’un texte français naissent d’autres mélodies que d’un texte anglais ou néerlandais. J’ai lu quelques écrivains français, mais ce n’est pas la raison clé qui m’a fait choisir cette langue… Malheureusement c’est devenu quelque chose de politique de chanter en français, mais ça se passe bien. 

SANNE HUYSMANS

Les textes que vous écrivez ne sont pas anodins, il y a dans tout l’album une métaphore récurrente.

L’arbre est une métaphore de la vie qui avance lentement opposée à notre vie qui fonce.  Il y a une nécessité pour moi d’exprimer des choses qui se passent dans la société, et ce n’est pas évident dans la pop aujourd’hui, pour moi c’est important de poser des questions ;  ce n’est pas à moi de dire comment il faut faire, mais de montrer les choses qui se passent, la crainte d’utiliser toutes les ressources de la terre…   Si les gens  veulent écouter ce que je dis, c’est génial… mais on peut aussi écouter sans y réfléchir…  

 

Le nom du groupe, « Mount Meru », correspond aussi à un message ?

Mount Meru ? Non, c’est  parce que ça sonne bien ! J’ai suivi des cours de swahéli, ça a un côté mystérieux, le Mount Meru est aussi  le centre du monde pour les bouddhistes… La plupart des gens escaladent le Kilimandjaro qui est tout près, mais c’est plus beau de grimper le Mount Meru parce que le Kilimandjaro est plus beau vu de là…  

 

Arrive Niels qui revient d’une répétition visiblement  intense. Présentation :

Je joue de l’euphonium depuis mes huit ans et  j’ai commencé le jazz à 13 ans. ; au Conservatoire de Bruxelles,  j’ai travaillé avec Kris Defoort, Jeroen Van Herzeele, John Ruocco, Stéphane Galland, Diederik Wissels,…   J’ai beaucoup cherché dans les styles de jazz, je suis passé par toutes les tendances,  puis j’ai évolué vers le jazz très libre, l’improvisation, le free…  Je joue avec « Maak », j’ai participé au projet africain « Kodjo » avec eux et on monte un  groupe plus grand, une sorte de Maak Big Band… Iphai Ishango est un autre projet avec deux musiciens brésiliens.  J’ai aussi joué avec Tuur Florizoone, et Evan Parker (une semaine à Anvers). 

NIELS van HEERTUM

Un parcours qui tourne fort autour de la musique improvisée et du free jazz.

Oui, mais je ne fais pas que du free.  Quand je compose, je ne pense pas « jazz », mais simplement « musique ». Dans les compositions de l’album, on ne peut distinguer quelles sont les compositions de Sanne ou de moi. L’improvisation qu’on développe avec ce projet n’est pas jazz, c’est plutôt pop, mais c’est une musique qu’on construit sur le moment… Et ça, c’est quelque chose  de plus facile à faire avec des musiciens de jazz, parce qu’ils sont plus ouverts, les musiciens pop capables de faire ça sont plus rares. 

Justement, tu peux nous parler des musiciens du groupe.

Lander Gyselinck est aujourd’hui un batteur dont on parle beaucoup dans le jazz, mais il vient du hip hop ; à la base,  il est breakdancer,  il dansait très bien  à douze ans !  Il est passé à la batterie parce qu’il fallait qu’il fasse quelque chose de plus fort ; quand il a vu  Frank Zappa, il est devenu un fan, il est freak de Zappa… Benjamin Sauzereau, le guitariste, travaille beaucoup sur les sonorités, les couleurs et c’est le guitariste qu’on cherchait pour mettre le côté pop dans les morceaux ; l’enchainement de deux morceaux de l’album est inspiré par Pink Floyd :  je n’ai pas beaucoup écouté ce groupe, mais c’est toujours resté un peu dans ma tête, c’est bizarre, mais il y a un son d’eux que j’ai en moi.  Seppe Gebruers a étudié et joue avec Erik Vermeulen, ils viennent de sortir un CD en duo. Il joue aussi dans Iphai shnago, c’est un pote à moi aussi, il a étudié au Conservatoire d’Anvers, il touche au free, il joue aussi du classique, ça s’entend  dans le premier morceau,  avec un côté un peu impressionniste…  Enfin Hugo Antunes est portugais mais habite à Bruxelles  depuis cinq ans. C’est un bassiste qui joue aussi du  free que j’ai rencontré au Conservatoire de Bruxelles ; il a joué avec des gens incroyables comme Nate Willis, un trompettiste américain, Chris Corsano,  il a beaucoup joué à Bruxelles avec, Marek Partman ou Laurent Blondiau… 

Curieusement, les musiciens de « Mount Meru », malgré un parcours dans l’improvisation, joue une musique plus « appliquée » sur le cédé…

Notre musique n’est pas trop arrangée, ça sonne comme ça, mais c’est moins arrangé que ce qu’on pourrait croire, la musique est très ouverte… L’harmonie et les textes sont là, plus quelques lignes mélodiques, mais le reste est assez libre… On se laisse aller. Quelques morceaux sont des premières prises, mais cela a demandé un peu de préparation, deux ou trois répétitions et jamais avec le groupe complet ! (rires) Tous les morceaux n’étaient pas prêts pour l’enregistrement, ça s’est fait sur place. On a fait ce disque parce qu’on pense qu’il y a une musique qui nous manque : je joue du jazz, mais j’aime aussi les songs ; mais pour moi, il y a beaucoup de pop music qui sonne plat, sans goût. Pour réaliser ce projet, il fallait avoir pleine confiance dans les musiciens, mais ça a fonctionné tout de suite ; il y a un an et demi, quand on a commencé à jouer,  on s’est dit : « ’est incroyable, ça marche et c’est génial ! 

HUGO ANTUNES

Ce genre assez indéfinissable ne pose-t-il problème pour la promotion ?

Ca manque un peu de buzz : les journalistes pop trouvent que c’est trop jazz et vice-versa. On ne sait pas où on doit le ranger chez le disquaire et, finalement, c’est un peu pour ça qu’on l’a fait : pour nous,  ça n’existe pas les bacs où on classe la musique. 

Avec un tel « line-up » et l’esprit dans lequel cet album a été enregistré, on peut imaginer que le projet plaira plus aux amateurs de jazz qui ont les oreilles curieuses qu’aux accros du top ten radiophonique. Le challenge mérite plus qu’un intérêt poli : on entend rarement de la chanson avec un jeu de piano aussi fouillé, une guitare aussi inventive, un drumming aussi créatif. Ce « Mount Meru » se pose dans notre paysage musical comme une nouveauté qui mérite qu’on s’y attarde.

Propos recueillis par Jean-Pierre Goffin