Oxbow & Peter Brötzmann : Live at Moers
Cette rencontre fortuite, c’est Eugene S. Robinson, le chanteur d’Oxbow, qui en parle le mieux. Vous en trouverez les explications détaillées dans le livret qui accompagne le CD. En gros, une opportunité née lors du festival éclectique de Moers (Allemagne), un peu l’équivalent de notre Gent Jazz Festival. Nous étions alors au mois de mai 2018…
Cela dit, le groupe californien de punk-jazz-rock et le saxophoniste free allemand devaient, sans aucun doute, croiser leurs routes à un moment ou à un autre. Au carrefour de ces destins aléatoires se trouvait une performance qu’Oxbow comptait bien accomplir ce soir-là, sans concession, mais avec leur nouvel ami Brötzmann (presque 80 ans à l’époque !), jamais le premier à calmer les esprits quand une bagarre démarre… Que du contraire ! Il suffisait d’attendre patiemment que les planètes s’alignent, de brancher les amplis en les réglant sur un volume maximum et enfin de porter micro et bec de saxophone aux lèvres… Le reste est une question de lâcher-prise, en somme un yoga inversé qui vous ôterait toute pression dans le chaos.
Un concert d’Oxbow, avec sa rythmique surpuissante et ses guitares fracassées, c’est l’assurance de vivre un moment de haute intensité. Sans doute possédé par le Diable en personne, Robinson éructe ses textes hallucinés d’une voix rocailleuse, sous un flot de sons chaotiques. Entre les maux du chanteur, sans moments de répit, Brötzmann rejoint le gang en hurlant ses notes improvisées. Ceux-là n’ont certainement pas répété longuement ensemble avant d’envahir la scène. L’énergie suffit. D’un blues poisseux (le bien nommé « Angel » en entrée), on passe à un déferlement de violence (« A Gentleman’s Gentleman », « Cat and Mouse », « Host »). Comme à la bonne époque du Birthday Party de Nick Cave (flagrant sur « The Valley »), la musique d’Oxbow & Brötzmann – qui plus est en live – sent la pisse des endroits discrets de la ville et le cambouis d’un garage abandonné. Disque pour paranos, déjantés et convulsifs, ce live intensif risque d’en perturber plus d’un… Tant mieux !