Pépites #18, around jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Nicola Conte presents Cosmic Forest,
The Spiritual Sounds of MPS
Quelques mois après la parution du très réussi « Let Your Light Shine On » (voir à ce sujet les « pépites #12 »), le guitariste italien Nicola Conte réenfile ses habits brillants de DJ pour nous proposer une compilation de ce qui représente (à ses oreilles) la quintessence des publications du label allemand MPS. Née il y a cinquante ans, cette prestigieuse compagnie a déniché par delà les continents (Asie et Afrique en tête) ou sur ses propres terres, une kyrielle de talents capables de vous hypnotiser à coups de grooves assassins. Un peu à la manière d’un Tom Barman fouillant les archives de Blue Note pour alimenter la collection « That’s Blue ! », Nicola Conte a reçu ici pour mission de rafraîchir la mémoire défaillante des anciens ou, occasionnellement, de déterrer des trésors dont on ne soupçonnait plus l’existence… Et quels trésors ! Tous publiés à leur origine entre 1965 et 1975… On ne les citera pas tous (il y en a tout de même treize, frôlant parfois les dix minutes d’extase…), on en pointera quelques-uns… Comme ce « Maiden Voyage » de Hancock, revisité par The Third Wave , un groupe vocal composé de cinq sœurs et déniché dans les îles Philippines ! Comme cet hypnotisant et bien nommé « Never Let It End » que l’on doit au tromboniste allemand Albert Mangelsdorff… Comme ce fusionnel « Soledad De Murcia » qui nous est offert par le pianiste Michael Maura… Stop ! N’en jetez plus… Achetez ce disque !
Don Kapot, Don Kapot
Ils sont trois, plus ou moins bruxellois… Giotis Damianidis (basse électrique), Viktor Perdieus (baryton) et Jakob Warmenbol (drums). Suffisant pour créer aujourd’hui un trio de power jazz bien joufflu. Bien qu’il ne suffise… Sans la hargne propre au propos et sans compositions à hauteur d’hommes, le soufflé dans un patatras retombera… Comme les regrettés Morphine en leur temps ou comme d’autres équivalences du nôtre (M&T@L pour n’en citer qu’une), Don Kapot dévoile un intérêt plus concret encore sur les scènes étroites d’un petit club de jazz. C’est précisément là que l’on a rencontré le trio et c’est précisément là que Don Kapot nous a séduit. Au point de céder à l’envie d’une écoute attentive de ce cédé aux allures rockambulesques. C’est riche en sonorités, ça sent le cambouis et ça situe Don Kapot à bonne mesure sur l’échelle de notre estime.
Wout Gooris Trio, Some Time
Déjà, il y a le contenant : une feuille A3 à déplier et qui dévoile une série d’œuvres délicates signées de la main de l’artiste multifonctionnel « Stanley Casfea ». Se plonger dans ces reproductions pâles ; écouter le contenu, certes non révolutionnaire, mais d’une beauté simple et accrocheuse. Wout Gooris, pianiste flamand de son état, y évolue en trio (l’inévitable Stijn Cools aux drums, Nathan Wouters à la basse)… Plus précisément en trio amélioré : les saxophonistes Erwin Vann et Hayden Chisholm participent activement à l’aventure. Une aventure intérieure qui se suffit à sa propre ivresse, à sa propre discrétion… Parcourir « Some Time », c’est suspendre le temps un court instant. Et ça, ça n’a pas de prix !
Cloes & Paternotte, Les ogives
La documentation promotionnelle qui accompagne le disque nous indique (nous citons) « (…) la rencontre entre une écriture musicale aux factures classiques et contemporaines avec un verbe puissant qui pousse la langue française dans les orties ». Nous approuvons. A la réflexion il est d’ailleurs impossible de mieux décrire ces enchaînements de mots (Philippe Cloes) et de sons (Nicolas Paternotte au piano, plus quelques instrumentistes pour accompagner le duo au violon, violoncelle, basson et flûte traversière). La complexité des compositions a pour vocation de bousculer l’auditeur dans son confort d’écoute. C’est lyrique, déclamé, et particulièrement sonore (« Amassant les poussières, je suis allé répertorier les phylactères »), ce qui nous renvoie immanquablement aux textes du poète liégeois Jacques Izoard repris par ailleurs en fin d’album (« Grâce à la fièvre »)… Vous l’avez deviné ? Les Ogives que nous envoient ces deux-là exigent une écoute attentive qu’ils tenteront de perturber par tous les moyens… Curieux ne pas s’abstenir ! Le duo Cloes & Paternotte vous donne rendez-vous à l’Arsonic de Mons le 13 novembre.
Joseph « YT » Boulier