Pépites #28, Around Jazz

Pépites #28, Around Jazz

Around Jazz, quelques pépites…

C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.

Des pépites un peu particulières cette semaine. Les trois groupes / artistes dont nous vous présentons l’album partagent en effet un point commun… Et ce point de convergence, c’est l’oud, un instrument devenu familier dans le répertoire du jazz depuis que les Anouar Brahem, Rabih Abou-Khalil et autres Dhafer Youssef ont fusionné improvisation et tradition dans leur musique. L’oud, ce luth raccourci qui se love dans le ventre du musicien (à moins qu’il ne s’agisse de l’inverse…) et dont les vibrations secouent celui de l’auditeur…

Interzone,

Kan Ya Ma Kan – 4è jour

INTERVALLE TRITON

Ces deux-là se sont rencontrés à Damas, il y a donc bien longtemps (plus de quinze ans), bien avant que… Enfin, bref, changeons de sujet. Entre eux, le courant passait si bien qu’ils ont décidé de se faire plaisir et de nous en faire profiter. Lui, Serge Teyssot-Gay, le Français, guitariste de rock dans un groupe célèbre (Noir Désir était toujours en activité à cette époque); son nouvel ami, Khaled Aljaramani, le Syrien, virtuose oudiste. Ensemble, sans compromis et juste avec la force de l’écoute de l’autre, ils créeront une musique nouvelle, ou plutôt des musiques nouvelles. Il n’est en effet pas nécessaire de fusionner les cultures et les genres. Plutôt que se fondre dans l’univers de l’autre, chaque musicien a naturellement déployé son énergie à trouver le juste point d’intersection, au croisement de leurs émotions. Celui qui s’anime si haut, entre le Nord et le Moyen-Orient. Chez eux, et même si, par la force des choses, elles sont rendues plus faciles aujourd’hui – Khaled Aljaramani a dû se réfugier à Lyon – chaque retrouvaille se célèbre comme une fête. Et même si la quatrième semble être un peu plus mélancolique que les autres (par la force des choses toujours), quel bonheur d’en être les témoins privilégiés. Une guitare électrique, un oud, parfois une voix… et tellement de sensibilité !

Kùzylarsen, Le long de ta douceur

30 FEVRIER

S’il a atteint également un point de convergence, Kùzylarsen (mais si vous prononcez Kouzy Larsen ou Mathieu dans son dos, il est fort probable qu’il se retournera aussi) l’a situé à l’intersection de la ligne « chanson française à textes » et celle d’une musique orientale épurée. Mathieu accorde une importance particulière aux textes, qu’il travaille minutieusement. Ses chansons parlent de la condition humaine, de nous. On le compare volontiers à Dominique A. On pourrait aussi citer Daniel Hélin… Mathieu aime aussi les illustrations : il y en a une pour chaque chanson, dans le livret qui accompagne le cédé. Elles sont signées de la main de Capucine Latrasse et c’est remarquable (une raison de plus pour acheter l’objet plutôt que de le télécharger !). Kùzylarsen s’accompagne bien souvent de son seul oud (électrique). Parfois, une basse, une seconde voix ou quelques percussions finalisent un tableau minimaliste d’une touche sensible. Tout ceci pour en arriver à la conclusion que « Le long de ta douceur », le premier album de Kùzylarsen, est recommandable et recommandé. Quelques dates de concerts sont annoncées : Namur (le 6 avril), Braives (le 12 avril), Ham-Sur-Heure (le 10 mai) et le Café-théâtre ZoArt à Bruxelles (11 mai).

Tristan Driessens & Robbe Kieckens,

Blue Silence – Dancing Tales Vol.1

HOMERECORDS

L’oud toujours, l’oud enfin. Celui de Tristan Driessens, ici en compagnie de Robbe Kieckens avec qui il partage ses envies (ses besoins) de mouvements depuis très longtemps. L’un comme l’autre ont connu un parcours atypique. Enfant de voyageurs, Tristan découvre l’oud en Espagne, où il s’émerveille pour la musique arabo-andalouse. Il perfectionnera son jeu lors d’un long séjour à Istanbul, avant de revenir sur ses terres natales, pour mieux repartir vers d’incessantes tournées mondiales. De son côté, Robbe Kieckens passe sa jeunesse au Rwanda, où il s’initie aux techniques des rythmes. Le monde des percussions n’aura bientôt plus de secrets pour lui. Vous l’aurez deviné, « Blue Silence » est le résumé de deux vies nomades en constante recherche du contact avec l’autre, du contact avec nous tous. Ce disque explore intiment les abysses d’une musique orientale plus mystérieuse que jamais, avec une authenticité et une chaleur humaine si imposantes qu’on en oublie la dextérité qui habite ces deux musiciens. Un album cent pourcents naturel, sans additifs inutiles et à découvrir sans attendre. A noter : Tristan Driessens « tourne » actuellement avec le projet Refugees for Refugees. Retour au mois de mai, avec la présence du joueur de ney Kudsi Erguner et le Lâmekân Ensemble.

 

Joseph « YT » Boulier