Pépites #29, Around Jazz

Pépites #29, Around Jazz

Around Jazz, quelques pépites…

C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.

Kyriakos Kalaitzidis, Exil – Exile

BUDA MUSIQUE

Parfois, il n’est plus possible de vivre là où l’on est né. Parce qu’il n’est pas envisageable d’y assurer un avenir décent pour les enfants. Ou parce que vos droits y sont si bafoués qu’il n’existe d’autres solutions que partir. Parce que, bientôt, il n’y aura plus rien à y manger, plus d’eau à boire, plus d’air à respirer. Pour certains, il s’agit d’un problème d’immigration à contrôler à tout prix, à coups de slogans « chacun chez soi » (sauf pendant les périodes de vacances bien évidemment). Eux, les immigrés, vous parleront d’exil et d’arrachement à la Mère Patrie. Kyriakos Kalaitzidis, lui-même enfant de parents exilés, sait de quoi il parle. Mieux, il s’inspire du sujet pour écrire ses compositions qu’il diffuse aux quatre coins du monde. Des compositions (souvent) remplies de nostalgie, mais aussi de sagesse, comme en témoignent les seize plages de ce magnifique disque. Accompagné de son fidèle Ensemble En Chordais, ce maître de l’oud (encore un) transmet la mélancolie qu’il porte en lui en parcourant les méandres d’une musique traditionnelle méditerranéenne, plus séduisante que jamais. Et ça donne tout simplement « Exil – Exile », la beauté du désespoir.         

PJ5, I Told the Little Bird

JAZZ&PEOPLE

« Je suis conscient que la musique, c’est de l’entertainment… Mais c’est aussi un canal à exploiter si on souhaite s’exprimer sur un sujet de société ». Cette phrase, on la doit à Antoine Pierre (interview à paraître bientôt dans nos colonnes). Le jeune batteur belge nous faisait part de ses angoisses, ou plus précisément des angoisses rencontrées par les jeunes de sa génération lorsque l’on évoque leur avenir. Antoine n’apporte aucune réponse formelle : il se contente de nous interroger, via par le canal musical, celui de son groupe d’electro-jazz Next.Ape qui en a déjà fait chavirer plus d’un. « Et maintenant, que fait-on ?! ». Même propos, mêmes angoisses chez les jeunes musiciens outre-Quiévrain. Le guitariste Paul Jarret et son groupe PJ5 nous questionnent à leur tour. L’oiseau est une image métaphorique. C’est bien de l’enfant dont il est question. Lui qui représente le futur de l’Humanité. Quel avenir lui laissera-t-on ? Comment le lui dire ? Ici, le canal de diffusion est un peu différent : pas question d’electro-jazz, mais bien d’une musique jazz à l’orée du post-rock nordique. On est parfois proche de la dramaturgie d’un Godspeed You ! Black Emperor qui sied parfaitement aux propos tenus. Comme leurs collègues canadiens, la musique du PJ5 s’ébroue sur de longues plages et peut atteindre des sommets de densité ou de complexité (Response, Cycles). Enrichi par la présence de Jozef Dumoulin au Fender Rhodes et par la voix d’Isabel Sörling, cet album pourrait aussi bien vous ravir… que vous faire réfléchir.   

Yôkaï, Yôkaï

HUMPTY DUMPTY RECORDS

Yôkaï, c’est le nom d’une créature fantasmagorique du folklore japonais. En ce qui nous concerne, c’est surtout un « super groupe » de jazz. Huit gars, essentiellement bruxellois, dont les noms sont régulièrement cités dans les colonnes de Jazz Around. Afrikän Protoköl, l’Orchestre du Belgistan, Moker… Tous ces groupes ne vous sont certainement pas inconnus. Sans doute pas facile réunir toutes ces personnalités et de les mettre d’accord. Chacun vient à la répétition avec sa petite idée derrière la tête ou sa petite composition écrite sur une partition. Ils s’engueulent un bon coup, se distribuent quelques baffes (bon là j’exagère un peu), boivent un bon Orval (qui sait ?), et l’aventure peut commencer. Car chaque titre de cet album est à lui-seul une aventure ! Selon le cas (le compositeur), cette aventure prendra des accents d’éthio-jazz (Argo), d’ambient psychédélique (Opuntia), voire franchement rock (Euonymus) et même frenchy pop façon Air (Petit indien n°3 – featuring Lynn Cassiers au chant). Dans tous les cas, c’est inspiré et ça vole en très haute altitude. Yôkaï n’aime pas les étiquettes (et nous non plus). On leur en plaquera néanmoins une dans le dos : insaisissable… Comme ce farfadet dont ils empruntent le patronyme.

Yôkaï en concert : le 4 mai dans le cadre des Nuits – Botanique (Bruxelles), le 29 mai au Vecteur de Charleroi.

 

Joseph « YT » Boulier