Richard Pavlidis : Iconography
En Australie, on parle de Richard Pavlidis comme d’un « saxophone colossus » en devenir. Et c’est vrai qu’il y a quelque chose de Sonny Rollins dans le hard-bop fier et puissant soufflé par ce saxophoniste de Melbourne. Mais ce n’est pas pour autant la première référence qui vient à l’esprit : des titres enthousiasmants comme « Mirrors » et « Persona » relèvent plutôt d’un post-bop moderne avec un gros son qui renvoie bien davantage à Michael Brecker et à Bob Berg, d’autant plus que, comme eux, le leader combine à l’occasion le son acoustique de son ténor à celui électronique d’un EWI (Electronic Wind Instrument). Évidemment, on n’invoque pas un Michaël Brecker sans s’exposer au risque d’être comparé à l’incomparable, mais Richard Pavlidis s’en sort bien : non seulement, il maîtrise parfaitement son vecteur d’expression, mais son improvisation est habitée par une ferveur qui emporte d’emblée et se maintient sur la distance. En plus, le quintet qui l’accompagne est compétent même si sa principale fonction reste d’abord de mettre en valeur le saxophoniste. On pourrait certes argumenter sur le fait que ces deux titres soient shuntés en finale (4 des 6 morceaux de l’album le sont) comme si on n’avait pas su comment les terminer alors qu’une coda tranchante comme un couteau navajo aurait indéniablement donné un signe supplémentaire de maturation dans l’acte de composer, mais laissons à chacun le soin d’apprécier selon ses goûts et son niveau d’exigence. Pour terminer, on épinglera encore la longue ballade, « The Enigma of a Day », qui inclut une courte improvisation nonchalante du pianiste James Bowers. La musique s’y émancipe de manière élégante et confirme les qualités d’un souffleur aussi à l’aise dans les bases hard-bop que dans un contexte lyrique. Les amateurs de saxophonistes avec une belle sonorité bien pleine et les thuriféraires de Michael Brecker ne resteront pas insensibles à cet album attachant venu des antipodes.
