Roger Lin : Exploitation Suite
Bien que parfois considéré comme élitiste, le jazz n’en a pas moins conquis le monde. Du Japon à l’Afrique du Sud ou de la Norvège à l’Australie, des jazzmen se sont levés partout, colorant à l’occasion leurs musiques de nuances locales. Mais ce n’est pas le cas de Roger Lin, guitariste originaire de Taipei (Taiwan) où il s’est d’abord fait connaître avant d’émigrer en 2019 à New York où il est aujourd’hui basé : il n’y a pas une once d’exotisme dans ses compositions. Difficile à pigeonner, la musique d’« Exploitation Suite » est moderne, sophistiquée, basée sur des enchaînements d’accords très originaux, comme souvent dans le jazz new-yorkais contemporain, et demande d’être écoutée avec la plus grande attention. Pour autant, elle est aussi cool et relaxante, voire à l’occasion contemplative tandis que la tonalité de la guitare est pleine et riche sans effet superflu. L’album a été enregistré en quartet avec deux sections rythmiques différentes et, en fonction des plages, un saxophoniste (Chaz Martineau) ou un pianiste (Moshe Elmakias). On y trouve également une pièce jouée en solo à la guitare (« Etude 1 Ambitious and Ugly ») ainsi que la suite éponyme en trois mouvements (non contigus sur le disque) qui rappellent que le leader a aussi suivi une formation classique au piano avant ses années « guitare ». Adossée aux trois grands royaumes de Kurt Rosenwinkel, Ben Monder et Mick Goodrick, existe la petite principauté de Roger Lin, charmante, raffinée et qui mérite bien un détour.