Serena Ferrara & Simone Mor : Kemana

Serena Ferrara & Simone Mor : Kemana

Vibra

Cette musique est le fruit de la rencontre entre la chanteuse sicilienne Serena Ferrara et le guitariste de flamenco, également d’origine italienne, Simone Mor. Pour autant, elle ne se limite pas à des aspects purement méditerranéens mais regarde aussi vers des horizons plus lointains. Non seulement ces deux artistes ont suffisamment voyagé pour moissonner dans les autres cultures, mais ils se sont aussi associés, en plus du violoncelliste Daniela Savoldi et du percussionniste Luca Canali qui composent le quartet régulier de l’album, à la flûtiste et chanteuse indienne Varijashree Venugopal, ainsi qu’au percussionniste sénégalais Didu Koate, lesquels apportent d’autres couleurs à un répertoire disparate qui en offre déjà beaucoup.

En se promenant au fil des plages, on passe ainsi des effluves indiens de Timor étrangement épicés par une guitare flamenco, à des rythmes de salsa qui se marient de façon plus naturelle aux influences espagnoles ; d’une chanson brésilienne (« Dia a Dia ») à la rythmique alanguie et aux accords veloutés, aux gongs mystérieux d’une cérémonie balinaise (« Bali Light ») ; de la morna nostalgique – « Sodade » – d’une diva cap-verdienne aux pieds nus (« A Piedi Nudi »), au balancement typique d’un instrumental aux racines camerounaises ; sans oublier un passage par la Sicile avec « Portami la Luna » qui renvoie à la douceur d’un coucher de soleil à Syracuse. Serena Ferrara se révèle tout du long comme une chanteuse d’une incroyable versatilité, tandis que son complice Simone déploie sa maîtrise de la six-cordes acoustique certes issue d’un apprentissage classique mais forgée à l’écoute des musiques du monde.

Si vous appréciez les mélanges harmonieux de cultures musicales, et ceux-ci sont parfois particulièrement osés, « Kemana » (qui signifie en indonésien « où vas-tu ? ») est un disque transversal qui séduit par son hédonisme multiculturel invitant à savourer l’instant présent. Certes, ce n’est plus du jazz au sens strict du terme qu’on entend ici, mais bien son fils solaire, émancipé et mondialiste.

Pierre Dulieu