
Soft Machine : Facelift France & Holland
Cuneiform Records / Mandaï Distribution
Voici une bien belle archive audio (2 cd) et vidéo, de grande qualité sonore et visuelle, sur ce qu’était Soft Machine début 1970 (une très courte période de leur histoire en quintet). A ce moment, Soft Machine, groupe-phare avec Pink Floyd de la scène underground anglaise des années 66-68, a déjà sorti deux albums constitués de titres courts, souvent chantés, dans le plus pur style psychédélique en vogue à l’époque. Cependant, on pressentait déjà une évolution sur le 2ème album (« Volume Two ») avec un traitement davantage jazz de certains titres et l’apparition, encore timide, de cuivres. Cette évolution allait se confirmer dès la fin de 1969 avec l’arrivée dans le groupe d’Elton Dean (sax alto et saxello) et de Lyn Dobson (sax ténor et soprano, flute, harmonica), se joignant au trio de base, soit Mike Rattledge (orgue), Hugh Hopper (basse) et Robert Wyatt (batterie et chant). La musique de Soft Machine prenait un tournant résolument jazz (électrique : des passages plus rock ou prog sont parfois présents) comme vient le confirmer ce splendide album fait de deux enregistrements audio de concerts (Paris le 2 mars 1970 et Amsterdam le 17 janvier 1970) et de l’enregistrement vidéo par la télévision française (l’émission Pop 2) du concert parisien.
Ces concerts sont constitués presque exclusivement de très longues compositions (une vingtaine de minutes chacune) qu’on allait retrouver sur l’album à venir, le fameux « Third » enregistré en avril-mai et sorti en juin 1970. Lors de ces concerts, le groupe répète ces nouvelles compositions et n’hésite pas à improviser (comme le montrent des versions bien différentes de ces titres lors des deux concerts) donnant un caractère trouble, parfois angoissant, et frénétique à cette musique. Les nouveaux souffleurs s’en donnent à cœur joie, interagissent constamment et on peut même ressentir une certaine compétition entre Dean et Dobson (situation qui n’allait pas durer : Dobson quitta le groupe en avril). Les autres membres tiennent également la grande forme : l’énigmatique Mike Rattledge (orgue) développe son habituel jeu minimaliste et obsédant ; la section rythmique semble déchaînée, tout particulièrement Robert Wyatt, endiablé derrière ses futs et s’offrant une magistrale improvisation vocale, même si, très vite, Wyatt ne se sentira plus à l’aise dans cette nouvelle formule (la musique était devenue trop jazz pour lui et exclusivement instrumentale : il ne chantait donc plus…) et allait finir par quitter le groupe l’année suivante.
« Facelift France & Holland » est un document, indispensable pour tout amateur de Soft Machine, ce groupe toujours vivant aujourd’hui (avec d’autres musiciens et dans un registre davantage fusion), qui aura marqué la rencontre entre le rock et le jazz de ces cinquante dernières années.