Stefano Di Battista : Morricone Stories
Né à Rome en 1969, Stefano Di Battista a d’abord pris comme modèle Pepper Adams et son compatriote Massimo Urbani (as). En 1992, il gagne Paris et croise rapidement Aldo Romano (album « Intervista ») puis est engagé dans le sextet de Michel Petrucciani. En 1997, il forme un quintet avec Flavio Boltro à la trompette et Eric Legnini, qu’il a croisé à Bruxelles (album « Volare »). Il est aussi engagé dans l’Orchestre National de Jazz de Laurent Cugny, avec Flavio Boltro et Phil Abraham (album « Reminiscing » en 95, « Merci, merci, merci » en 97). Il est rapidement repéré par le prestigieux label Blue Note. En 2000, il enregistre ainsi un album en quartet avec le pianiste Jacky Terrasson et Elvin Jones puis, en 2004, « Parker’s Mood » avec Kenny Barron au piano. Dans son abondante discographie, plusieurs albums témoignent de son attachement à ses racines italiennes : « Italian Standards » en 2016, album qui comprend notamment « Metti, una sera a cena » de Morricone ou alors « Round about Roma » qui lui permet de retrouver Eric Legnini. Et voici que sort un album entièrement dédié aux musiques de films d’Ennio Morricone. On sait que les musiciens italiens restent fidèles à leurs racines méditerranéennes qui font partie d’une sorte d’inconscient collectif : musique ancienne, opéra, danses traditionnelles comme la tarentelle, chansons populaires et célèbres compositeurs de musiques de films, comme Nino Rota lié à l’œuvre de Fellini ou Ennio Morricone. Enrico Pieranunzi n’a-t-il pas, après un « Fellini Jazz » avec Kenny Wheeler, enregistré « Morricone 1 » puis « 2 » en trio avec Marc Johnson et Joey Baron ? Pour cet album, Stefano a choisi des thèmes liés à des films très célèbres (« Peur sur la ville », « Once Upon a Time in America », « 1900 », « The Mission », « Le Bon, la Brute et le Truand ») mais aussi à d’autres moins connus (« Cosa avete fatto a Solange », « La cosa buffa », « Verushka ») et même un inédit que Morricone lui a confié (« Flora »). Pour ces 12 plages, Stefano Di Battista a fait confiance à un solide trio rythmique. Au piano, Fred Nardin qui a formé un trio avec le contrebassiste israélien Or Bareket et le batteur américain Leon Parker qui a beaucoup joué avec Chet et Steve Grossman (albums « Opening » puis « Look Ahead » en 2019). Il a joué avec Didier Lockwood et a cofondé l’Amazing Keystone Big Band avec David Enhco, (conte musical « Pierre et le loup » ou « Le carnaval des animaux »). A la contrebasse, Daniele Sorrentino. Né en 1980, il a étudié au Conservatoire de Pescara. Il a fait partie du trio de Dado Moroni, le pianiste du quartet de Bert Joris. Il a croisé Enrico Rava, Javier Girotto et Rosario Giuliani. A la batterie, une vraie légende, André Ceccarelli, qui a croisé la crème du jazz américain (Chick Corea, Dee Dee Bridgewater) comme européen (Martial Solal, Ivan Julien, David Linx, Jean-Luc Ponty, Stéphane Grappelli ou Enrico Pieranunzi). Au soprano, Stefano Di Battista fait alterner ballades mélancoliques (« Flora », « Gabriel’s Oboe » sur lequel le soprano se substitue au hautbois de la version originale). A d’autres moments, le soprano se fait voltigeur sur rythme rapide (« Cosa avete fatto a Solange », avec un subtil jeu de balais de Dédé, « La Cosa Buffa » après une intro de piano, « Peur sur la ville », avec jeu vigoureux de baguette et un passage sifflé comme dans l’original, « La Donna della domenica » sur un rythme saccadé avec motif répétitif du piano, une caractéristique chère à Morricone). A l’alto, il adopte des rythmes vigoureux (« Verushka » avec rythmique à résonance sud-américaine, « Metti, una sera a cena » en symbiose avec le piano et fréquents changements de rythmes, « Il grande silenzio » avec un intéressant solo de piano, « Le Bon, la Brute et le Truand » avec motif saccadé comme sur « Peur sur la ville » ou « La Donna della domenica »). Mais l’alto peut aussi se faire langoureux (« Deborah’s Theme »). Sans gommer certains motifs propres à Ennio Morricone, Di Battista propose un album résolument jazz, bien soutenu par une rythmique sans faille.
Claude Loxhay