The Legendary Ingramettes : Take a Look in The Book
Virginia Folklife Program ‐ Références catalogue : VFL-CD-2020
A l’heure où les communautés africaines-américaines délaissent largement le blues et le jazz au profit de la pop, de la soul et du rap, nombreux sont ceux qui n’ont pas une idée précise du succès et des passions suscitées dans ces mêmes communautés par le black gospel, ceci sans discontinuer depuis les origines au 19è siècle jusqu’à nos jours, avec des églises noires pleines à craquer dans tous les ghettos urbains et dans les campagnes, même les plus reculées. On a gravé 3 à 4 fois plus de disques de musiques religieuses noires US depuis la fin du 19è siècle que de blues, de jazz et autres styles musicaux , tant la demande était (et reste) grande ! Cela représente plusieurs centaines de milliers de solistes, de chorales, d’évangélistes itinérants, de pasteurs charismatiques, de quartets mâles, de groupes mixtes et… de groupes féminins ! De Mahalia Jackson aux Caravans d’Albertina Walker, de Sister Rosetta Tharpe et Marion Williams aux Ward Singers de Clara Ward, le dessus du panier dans ce domaine est d’une richesse hors normes. Il comprend les Ingramettes, le groupe formé en 1961 à Richmond, en Virginie, par l’évangéliste « Mama » Maggie Ingram avec ses fils et filles. Née le 4 juillet 1930 sur la Mulholland Plantation du Coffee County en Géorgie, M. Ingram a travaillé dans les champs de coton et de tabac avant d’émigrer en Virginie pour devenir pianiste et chanteuse de gospel. Maggie Ingram et les Silver Stars ont enregistré pour Nashboro Records de 1962 à 1964 puis sous le nom de M. Ingram & The Ingramettes pour Nashboro Records de 1964 à 1967, puis pour Heavenly Records de 1967 à 1980 et encore pour AIR Records de 1987 à 1990, avant de prendre une semi-retraite. Elle est morte en 2015, mais son groupe familial a continué sur sa lancée, sous la direction de sa fille aînée, Almata Ingram-Miller, rejointe par une petite-fille, Cheryl Maronay-Yancey et une belle-fille, Carrie Jackson, sous le nom des Legendary Ingramettes. L’État de Virginie vient de leur rendre hommage avec cet album bienvenu qui démarre en fanfare avec une intro de piano décoiffante (Harvey Stuart-Hamlin) et un « The Family Prayer » survolté, suivi du titre éponyme, « Take a Look at The Book », bourré de swing et d’énergie. Cela se calme à peine avec un « Grandma’s Hands » tout en retenue mais nerveux style « poil à gratter » en hommage appuyé à Maggie Ingram, la « grandma ». Puis cela repart de plus belle avec un syncopé « When Jesus Comes » frisant une hystérie de bon aloi. Les Ingramettes reprennent leur souffle dans un classique « Rock of Ages » du moins dans l’intro car le naturel revient au galop et la suite est haletante et tendue avec de bonnes parties de guitare (Jared Pool) et tout repart dans le même style alternant morceaux en slow mais vibrants d’émotion comme « I’ve Endured » ou un « Beulah Land » parlé qui se poursuit avec un « I Want to Go There » intense et introverti. Notons encore un splendide « Time Is Windin’ Up » a capela qui donne des frissons, et quelques morceaux de bravoure survoltés comme « Hold On to God’s Unchanging Hand » ou le superbe « Until I Die » en clôture. Assurément un des meilleurs albums de gospel traditionnel sorti en 2020-2021. Rendez vous aux Awards !
Robert Sacre