Thomas Champagne en Amériques
Les aventures américaines de Thomas Champagne,
Random House rencontre Adam O’Farrill.
Déjà à l’époque de son trio, Thomas Champagne aimait rencontrer des invités: de Jean-Paul Estiévenart à Pierre Vaiana ou Lorenzo Di Maio. Avec son quartet Random House, soit Guillaume Vierset à la guitare, Ruben Lamon à la contrebasse et Alain Deval à la batterie (album Sweet Day), il poursuit l’expérience: pour une tournée de 7 dates qui balaie tout le pays, de Bruxelles à Anvers ou Liège, il reçoit le trompettiste américain Adam O’Farrill. Petit-fils du compositeur afro-cubain Chico O’Farrill, fils du pianiste Arturo O’Farrill, il est une des figures marquantes de la scène new-yorkaise.
Propos recueillis par Claude Loxhay
Photos de Robert Hansenne
Comment as-tu rencontré Adam O’Farrill ?
Il y a 3 ans, je suis allé quelques semaines à New York pour découvrir cette fameuse énergie de la Grosse Pomme et j’ai pris, entre autres, quelques cours avec Ellery Eskelin, qui est un super saxophoniste que j’adore. Il jouait notamment dans avec le Stephan Crump’s Rhumbal. Dans ce quartet, il y a la paire de souffleurs impressionnants: Adam O’Farrill à la trompette et Ellery Eskelin au saxophone. Je les ai vu plusieurs fois et je suis vraiment tombé sous le charme du jeu d’Adam! Après la sortie de notre album Sweet Day fin 2017, on a voulu proposé une nouvelle formule avec invité et on s’est dit pourquoi pas! J’ai pris contact avec Adam et il a dit oui, tout simplement.
Qu’est-ce qui t’a plu dans sa musique ?
Adam a une liberté dans son jeu, il est toujours intéressant et surprenant. Un magnifique son aussi! Je l’ai écouté par la suite dans plein de formules différentes et il est autant à l’aise dans des groupes complètement free que dans un quintet Hardbop ou dans des musiques plus urbaines. Comme invité dans notre projet, on avait envie de quelqu’un qui puisse s’exprimer dans des morceaux plus swing mais aussi dans des structures plus ouvertes ou des morceaux un peu colorés pop. Je ne voulais pas rompre l’équilibre du quartet mais plutôt y ajouter des couleurs. Comme notre groupe est souvent entre plusieurs esthétiques, on s’est dit, au moment du choix, que si on prenait un soliste plus “free” ou, au contraire, un souffleur plus habitué à la tradition, ça pousserait le groupe dans l’une ou l’autre direction. Quand on a pensé à Adam, on s’est dit que c’était la personne idéale. En plus, il insuffle une magnifique énergie et est toujours à l’écoute de ce qui l’entoure.
Il est plutôt bien entouré: grand-père Chico, père Arturo, frère Zach…
Oui absolument! Il vient d’une grande famille de musique. Son grand-père est Chico O’Farrill, qui a travaillé avec Machito, compagnon de route de Charlie Parker, mais aussi avec Dizzy Gillespie et Stan Kenton, … C’était une grande figure à l’époque. Son père est Arturo O’Farrill qui a été repéré, à 18 ans, par Carla Bley avec qui il a tourné plusieurs années. Il a eu 3 Grammy Awards pour sa musique (surtout Latin Jazz) et a travaillé avec le Lincoln Center de Wynton Marsalis, entre autres. Il est toujours très actif. Son dernier Grammy Award date de 2018!
Puis vient la génération d’ Adam, notre invité! Lui aussi a été actif très tôt et enregistrait, à 18 ans, avec le saxophoniste Rudresh Mahanthappa.
Il a, entre autre, un quartet de jazz moderne (Adam O’Farrill’s Stranger Days) avec son frère Zak qui est batteur. Leur album “El Maquech” est sorti l’année passée et a été très bien reçu par la critique.
Allez-vous jouer un nouveau répertoire ?
C’est un tout nouveau répertoire qu’on a écrit pour cette tournée. Comme depuis toujours, dans ce projet, on partage les compositions entre Guillaume Vierset et moi. Pour l’occasion, nous jouons aussi 2 morceaux amenés par Adam. J’en profite d’ailleurs pour citer tout le monde! Il y a donc Guillaume à la guitare, Ruben Lamon est à la contrebasse et Alain Deval tient la batterie ! On a écrit une musique qui reste dans la couleur de notre premier disque. Du jazz moderne… si on doit l’étiqueter. Il y a clairement une base de jazz avec deux tiers de morceaux plus “swing”. Mais une grosse couleur plus pop parfois, avec des esthétiques plus urbaines. Et une partie du répertoire plus ouvert avec des structures ou des grilles libres. J’aime beaucoup cette alchimie entre les styles et nous essayons que chaque morceau soit assez “typé” et ait une couleur bien particulière.
Y a-t-il un projet d’enregistrement ?
Oui! Nous jouons 5 concerts puis nous allons 1 ou 2 jours au Jet studio et nous terminons par 2 concerts cette fin de semaine. Jeudi 28/03 au Palace (Centre culturel de La Louvière) et vendredi soir (29/03) la dernière date, à l’An Vert à Liège! L’idée est de sortir quelque chose en 2020. Soit un EP de 4/5 titres, physique ou en ligne, soit un album complet sur un label. Mais ces choses-là vont se décider après. On prend la chose sans trop de pression.
Random House est basé sur une réelle empathie: pour Sweet Day, toi et Guillaume, vous êtes partagé le travail d’écriture…
Je vois plutôt ça comme une alchimie… Mais tu as tout à fait raison! J’adore travailler avec Guillaume. Sur le plan de la composition et de l’arrangement, il a une facilité d’écriture. Et je crois que nos musiques collent bien ensemble. Au début du projet, nous avons amené, tous les 2, des morceaux et nous nous sommes rendu compte que les deux couleurs se mariaient bien. Il amène souvent une couleur plus directe dans ses compos, avec quelques belles ballades, des morceaux assez “catchy” aussi. Moi j’écris parfois des choses plus sinueuses au niveau de la mélodie. Et, au final, ça fait un répertoire assez mixte, ce que j’adore tant comme improvisateur que comme public. On voyage souvent d’un univers à un autre. Au niveau des improvisations, c’est aussi un réel plaisir de partager ça avec Guillaume. En quintet, c’est un peu différent car il y a 2 souffleurs. Mais en quartet , je ne voulais pas d’un groupe avec le saxophoniste devant et la rythmique qui l’accompagne sagement. J’aime cette interaction permanente et nous improvisons régulièrement à 2 en même temps. C’est essentiel pour moi de communiquer aussi dans les solos, chaque idée se nourrissant des idées de l’autre.
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