Tobias Hoffmann Jazz Orchestra : Conspiracy

Tobias Hoffmann Jazz Orchestra : Conspiracy

Mons Records

Trois années après « Retrospective » enregistré en nonet, le saxophoniste allemand Tobias Hoffmann, aujourd’hui basé en Autriche, sort un second album, cette fois avec un nouveau big band au complet. Enregistré à Vienne en août 2021, « Conspiracy » met en valeur les qualités de compositeur et d’arrangeur du leader, qualités qui sautent tout de suite aux oreilles avec le titre éponyme, une composition ambitieuse qui lance le répertoire dans un feu d’artifice de sons et de lumières. Selon son auteur, sa dynamique explosive est inspirée par les folles théories conspirationnistes ayant émergé pendant la pandémie du Coronavirus. Les pupitres s’en donnent à cœur joie en délivrant une masse orchestrale bruyante qui crée une tension palpable, avant que le thème ne finisse par émerger. L’arrangement amplifie les contrastes d’un jeu qui est surtout collectif, même si la partie centrale de la pièce laisse la part belle à un réjouissant solo de saxophone ténor offert par Robert Unterköfler.

Dans un registre différent, « December Song » est une composition arrangée à la manière des œuvres orchestrales de Vince Mendoza, dont Tobias Hoffman dit s’être inspiré, et qui swingue gentiment en donnant la chance au saxophoniste Andy Scofield de sortir du rang avec un splendide solo. Remarquable également est « Renegade », un morceau cette fois inspiré par l’art et la manière du Secret Society Ensemble de Darcy James Argue (dont le fameux « Infernal Machines » est encore dans toutes les mémoires pour avoir apporté un vent de fraîcheur dans la culture des grandes formations). La musique est moirée, colorée, légère et, en osant la comparaison avec une œuvre picturale, pourrait être qualifiée d’impressionniste. C’est indéniablement l’un des sommets d’un album qui en comporte beaucoup. Enfin, on n’oubliera pas de citer « Who Knows Intro » qui met en exergue le pupitre des trombones et sert d’introduction à « Who Knows », une pièce avec une approche plus rock, renforcée par un flamboyant solo de guitare électrique délivré par Vilkka Wahl.

Le Jazz Orchestra de Tobias Hoffmann s’inscrit dans la lignée des arrangeurs qui, à la suite de Gil Evans, ont redéfini la musique écrite pour des larges ensembles en la replaçant dans un contexte moderne. Si vous êtes de ceux qui se laissent facilement bercer par les masses sonores, « Conspiracy », qui a déjà glané ici et là quelques récompenses méritées, saura vous séduire.

Pierre Dulieu