Too Noisy Fish : Too Many Fish 10 Years

Too Noisy Fish : Too Many Fish 10 Years

Mighty Quinn Records

En 2021, Too Noisy Fish, composé de Peter Vandenberghe (piano), Kristof Roseeuw (contrebasse) et Teun Verbruggen (batterie), célébrait ses dix années d’existence, tandis qu’aujourd’hui le trio en version XL sort un nouvel album sur le label américain Mighty Quinn. Un poisson, c’est silencieux ! Alors, un poisson trop bruyant, ça ne peut être que du surréalisme à la mode belge. D’ailleurs, à l’instar de Trio Bravo ou du collectif Flat Earth Society (auquel collaborent également les trois musiciens de ce trio), Too Noisy Fish mêle aussi sans vergogne l’inouï, la poésie, la liberté créatrice, la contradiction et l’inattendu. Pièce de résistance et, déjà, sommet de l’album, l’épique « Too Many Too Early » débute par une plainte de saxophone suivie d’une atmosphère onirique. Mais très vite, la musique se démarque par ses dissonances tandis que s’installe progressivement un groove lancinant peuplé d’électronique et de xylophone (Philip De Jager) sur lequel va s’envoler le saxophoniste Bruno Vansina. Le pianiste a un jeu véhément qui n’est pas sans évoquer les clusters percussifs d’un Don Pullen. Finalement, après quelques scratches annonciateurs, un vocaliste vient déclamer quelques mots sur un piano aux notes éparses. Marimba, frissons électroniques, flûte et trompette s’ajouteront encore pour conclure ce premier titre dans une ambiance mystérieuse qui n’en finit pas de s’étirer, comme une nappe de brume urbaine. Il est bien difficile de mettre une quelconque étiquette sur une telle musique qui s’extirpe de la forme thème/improvisation en mutant continuellement. Cette manière de faire se poursuit sur « The Plum Blossom », sur « Jellyfish » … et au-delà. Pour autant, cette musique libre et imprévisible reste toujours accessible, fluide dans son expression, et se révèle même souvent très contagieuse. Too Noisy Fish parvient à créer des espaces communs en perpétuelle transformation, convoquant pêle-mêle, et avec un bonheur égal, des moments excitants, décalés, bizarres, absurdes, fantaisistes, débridés, dramatiques et/ou poétiques. Et à côté d’un morceau tumultueux avec une récitation en « spoken words » plutôt déconcertante et éloignée de la jazzosphère (« Kakapipitalisme »), on trouve même du jazz-pop avec la ballade « A Night to Watch » chantée à l’ancienne.

Sur sa période d’existence, Too Noisy Fish n’a pas sorti beaucoup de disques mais celui-ci vous permettra de découvrir les différentes facettes de leur musique et vous incitera sûrement à aller les voir sur scène.

Too Noisy Fish en concert au Ha de Gand (29 mars).

Pierre Dulieu