Urbex : l’interview.

Urbex : l’interview.

Les aventures métropolitaines d’Antoine Pierre

De passage à Liège, à l’invitation de la télévision locale RTC, et cela quelques jours avant le concert au Reflektor, Antoine Pierre explique le processus de création de son album Urbex (Igloo), revient sur son séjour aux Etats-Unis, ses liens avec Antonio Sanchez et Enrico Pieranunzi, sa fidélité à l’égard de son père Alain (album Aaron & Allen de Tree-Ho) et son expérience avec Tom Barman,  chanteur du groupe pop-rock dEUS et de Taxi Wars. En route pour les aventures métropolitaines d’un batteur qui a le vent en poupe, sur la route pour le Jazz Tour des Lundis d’Hortense.

Interview : Claude Loxhay 
Photos :  Robert Hansenne

Pourquoi avoir choisi une formule en octet pour ton premier album personnel, là où certains se limitent à un trio ou un quartet?

J’ai choisi la formule en octet d’abord pour le son, je savais que je voulais un groupe avec lequel je pouvais utiliser de nombreuses possibilités d’arrangement. Avoir trois souffleurs permet de disposer d’une large palette sonore. C’était une évidence qu’au-delà des compositions, je voulais utiliser le vecteur de l’arrangement. Et puis, je voulais une basse électrique, c’est un son que je voulais avoir. Le fait d’avoir joué avec Félix Zurstrassen pendant autant de temps implique que c’est un instrument qui me parle beaucoup. Avant d’écrire les compositions, j’ai pensé au line-up. Ce line-up, c’est en fait tous les musiciens avec lesquels je joue dans leur propre groupe: Jean-Paul Estiévenart dans son trio, Toine dans le sien, Steven Delannoye dans le LG Jazz Collective et Félix dans tous les groupes avec lesquels je joue. Cela, plus les percussions qui étaient un son dont je rêvais depuis un moment. C’est vrai que c’est peut-être audacieux de ma part d’avoir choisi un grand groupe comme cela, vu la conjoncture actuelle mais il s’agissait d’abord de suivre un objectif musical. Cela correspond aussi à mes influences: le groupe de Pat Metheny et des formations assez larges dans lesquelles il y a beaucoup de productions live. Pouvoir se dire: “Maintenant, il n’y a que les souffleurs et puis tout le groupe”. Je voulais cette dimension orchestrale dans ma musique. 

Bert Cools

Comment as-tu choisi Bram De Looze et Bert Cools?

Bram, je l’ai rencontré le même jour qu’Igor Gehenot, lors d’un workshop de Nathalie Loriers au Salon Mativa, chez Jean-Pierre Peuvion: Igor et moi, nous avons fait un grand bout de chemin ensemble et nous le poursuivons puisque nous continuons à jouer ensemble au sein du LG Jazz Collective. Nous nous voyons très souvent et nous sommes deux grands amis. Bram, je le connais depuis ce jour-là, on se connaît donc depuis près de dix ans, en ayant joué ensemble dans des jams mais sans former de groupe ensemble. Là, j’avais envie de faire un bout de chemin avec lui parce que j’ai suivi ce qu’il a fait depuis. C’est un musicien qui m’attirait depuis un moment: c’est un pianiste virtuose qui m’impressionne. Bert, en fait, je l’ai rencontré dans le projet Conference of the birds de Fabrizio Cassol: c’est un guitariste qui, non seulement est une personne très ouverte sur beaucoup de styles, mais écoute beaucoup de musiques. Au-delà de la musique, il est fort porté sur le son. J’étais sûr qu’il pouvait m’apporter beaucoup dans la composition, quel que soit le matériel musical qu’on lui amène. Je savais qu’il pouvait m’apporter quelque chose de différent, de plus ouvert parce qu’il utilise plein de pédales d’effets et travaille le son de manière originale. Malgré toutes les influences que j’ai, je voulais faire quelque chose qui va plus loin.

C’était un pari audacieux, dans la conjoncture actuelle, de choisir un octet alors qu’il y avait déjà les septets  LG Jazz Collective et Heptatomic…

Je n’ai pas pensé du tout à cela, je n’ai pas envie d’amener un quiproquo entre ces différentes formations, pour moi, c’était une question de son. Je savais où je voulais amener ma musique, dans quel territoire. Du coup, c’est peut-être audacieux de constituer une telle formation mais la musique des trois groupes est totalement différente: dans Urbex, il y a des percussions, le jeu de guitare est tout à fait différent que dans LG Jazz Collective et la musique est très différente de celle d’Heptatomic. Ce n’est pas un parallèle auquel j’ai pensé.

Au niveau des compositions, comme du son de l’orchestre, ton passage aux Etats-Unis a dû, je suppose, être très important…

Tout à fait, même si New-York n’est pas une scène dans laquelle j’ai envie de m’inscrire, je n’ai pas envie qu’on me colle l’étiquette de “jazzman new-yorkais” parce que je fais mon truc. C’est sûr que le côté incisif, rythmique de la scène américaine m’a beaucoup frappé. Et puis, toute cette intensité musicale, le fait de chercher dans des directions différentes, de puiser dans des influences multiples, c’est quelque chose qui m’a beaucoup inspiré. J’ai baigné dans cet environnement dans lequel il y a de la musique partout, où je suis allé voir, 4 à 5 fois par semaine, des concerts plus invraisemblables les uns que les autres. Humainement, mais aussi musicalement, cela a été une expérience enrichissante: être tout seul dans un environnement différent, dans une culture différente, chercher dans une direction qui me correspond, chercher à me connaître moi-même, dans une ville qui me mettait à l’épreuve. C’était un vrai challenge: je suis attiré par l’expérience, l’inconnu. C’est vrai qu’en tant de batteur, composer pour un groupe aussi large, avec des musiciens d’envergure, c’est une expérience importante: c’est gratifiant d’arriver avec des compositions originales et de les faire jouer par de tels musiciens: New-York m’a apporté cette audace.

Tu as suivi les cours à la New School for Jazz and Contemporary Music de New-York…

Oui, j’ai suivi des cours avec Greg Hutchinson  parce que je voulais me rapprocher de la tradition du jazz (batteur de Roy Hargrove, Joe Henderson, Joshua Redman) et parallèlement avec Dan Weiss, un batteur qui lui, par contre, est nettement dans des sphères différentes (David Binney, Miguel Zenon). Et puis, j’ai pris des cours par moi-même avec David Sanchez (batteur de Pat Metheny, Michael Brecker, Chick Corea, Gary Burton), quelqu’un avec qui j’avais déjà suivi des master classes par le passé. Avec Antonio, l’année dernière à New-York, je me suis rendu chez lui pour écouter de la musique et discuter longuement. Un jour, je suis arrivé chez lui à 14 heures et je suis reparti qu’il était 19 heures: une après-midi super géniale, pendant laquelle il m’a accueilli comme un vrai copain, c’était vraiment cool. Cela m’a permis également de faire des sessions et de jouer des standards avec des saxophonistes comme Mark Turner ou Chris Potter: du coup, c’était enrichissant. Cela  a été une année éprouvante sous certains aspects mais elle m’a apporté beaucoup parce que j’ai appris à me connaître, en plus, j’ai tissé des liens avec des musiciens géniaux.

N’est-ce pas un peu Enrico Pieranunzi qui t’a introduit auprès d’Antonio Sanchez?

Enrico m’avait, en effet, donné l’adresse d’Antonio mais j’avais rencontré celui-ci auparavant. Avant d’entrer au Conservatoire de Bruxelles, j’avais eu une semaine de cours avec Antonio dans un stage en Italie. C’est quelqu’un de vraiment très humain, il était super présent pour ses élèves, c’était très enrichissant. Par la suite, j’ai joué avec Enrico qui venait d’enregistrer un disque avec Antonio. Du coup, j’ai demandé s’il ne pouvait pas me donner l’adresse d’Antonio. J’ai pu ainsi le contacter à New-York grâce à Enrico: Antonio s’est montré très réceptif. Il se rappelait du stage que j’avais passé avec lui. Enrico a effectivement joué un rôle dans cette rencontre. Enrico, je l’ai revu plusieurs fois, notamment à New-York, je l’ai vu jouer au Village Vanguard et j’ai passé la soirée avec lui: c’est quelqu’un qui est très chaleureux, très humain.

Au niveau des compositions, tu as une écriture très sophistiquée, tu proposes des compositions avec différents mouvements et différentes ruptures de rythme…

Merci, comme je le disais, mon influence, c’est principalement la musique de Pat Metheny mais j’ai pas mal écouté aussi de musique classique. Félix m’a fait découvrir Rachmaninov que je ne connaissais que de nom et dont j’ai vraiment découvert la richesse d’écriture. J’ai écouté une centaine de fois le Concerto 3. Moi, ce que j’aime bien dans les suites, les compositions plus longues, c’est de pouvoir me libérer du canevas traditionnel du jazz ABA, puis solos, retour au thème et puis coda. J’avais envie de dire: on va jouer une première partie, improviser dessus puis partir dans un environnement différent, en esquissant des motifs de la première partie. J’avais envie de construire des morceaux sur une forme plus longue. C’est chouette d’ailleurs que je puisse évoquer cela, c’est une des premières fois que je peux expliquer cette volonté d’utiliser des motifs, des idées et de les développer au long d’un processus plus large, plus lent, ce qui permet, du coup, de partir dans un éventail de sons et de rythmes différents. Cela offre des ouvertures non seulement pour la musique mais pour l’improvisation et la direction dans le son. Tout cela donne une plus grande ampleur à la musique, au-delà du fait qu’elle soit jouée par un groupe aussi nombreux. Et puis, la richesse d’avoir autant d’instruments m’offre la possibilité d’explorer des combinaisons différentes de sonorités, grâce à ces formes plus longues.

Tu disposes d’une large palette de sonorités, avec la clarinette basse en parallèle au ténor et au soprano…

Oui et puis la guitare de Bert offre plein de sonorités différentes parce qu’il a un set vraiment très large. Et puis ce que j’adore, c’est qu’avec Fred, on possède un musicien hors pair. Il ne lit pas, n’a pas une connaissance théorique de la musique mais il joue au sentiment, au travers d’une grande richesse de sonorités. Ce que je cherchais avec lui, c’est qu’il joue uniquement ce qu’il ressent, c’est vraiment le percussionniste qu’il fallait. Sur un morceau, il peut jouer des congas puis passer au djembé ou prendre des caxixis ou des shakers et modifier ainsi les ambiances rythmiques. Il joue aussi du berimbau, il a vraiment une culture instrumentale très large. Toutes ces combinaisons permettent une grande richesse sonore et, au niveau de l’écriture, au-delà d’avoir une mélodie et un concept rythmique, j’avais la possibilité de choisir les combinaisons d’instruments: pourquoi pas deux saxophones, ténor et soprano, à ce moment-là, et puis deux ténors qui jouent dans le même registre, et là, je vais choisir la trompette et prendre un soprano qui va encore au-dessus de la trompette et cela va créer une tension qui va se résoudre avec la guitare. Et puis, avec Bram, c’est déjà un pianiste incroyable mais, en plus, il adore visiter les différentes tessitures du piano, pas juste rester dans les accords et la mélodie initiale, il va jouer une mélodie dans les graves puis, tout à coup, une basse très forte. C’est cela que je voulais viser, c’est avoir des choix très larges,  disposer du plus de portes ouvertes possible.

Avec un bel équilibre entre les sonorités acoustiques et électriques…

C’est clair que c’est un des éléments qui étaient complexes au niveau de l’écriture comme des répétitions ou de l’enregistrement parce que déjà mélanger un piano et une guitare, c’est difficile: les accords de la guitare peuvent vite s’entremêler avec ceux du piano et être un peu confus. Mais Bram et Bert ont vraiment bien géré cet aspect pour obtenir cet équilibre électro-acoustique dont j’avais envie, notamment avec la basse de Félix et les percussions qui constituent un instrument acoustique par excellence. Il y a là un mélange hyper intéressant et, de mon point de vue, très au goût du jour. 

Au niveau des compositions, il y a un sorte de clin d’oeil à tes débuts avec le thème Metropolitan Adventure…

En fait, c’est une composition que j’avais commencée à l’époque du Metropolitan Quartet et, milieu de l’année dernière à New-York, cette mélodie, cette tournure rythmique, m’est revenue à l’esprit. J’ai alors réécrit un morceau à partir du thème, j’ai réécrit tout un arrangement avec plusieurs parties, avec différentes grilles harmoniques. C’est donc un double clin d’oeil: Metropolitan Adventure, c’est aussi l’aventure métropolitaine à New-York, la reine des métropoles. C’est un morceau qui représente beaucoup pour moi parce que j’adore comparer la version enregistrée avec Urbex et celle qu’on avait faite avec le Metropolitan. Je me disais l’autre jour que c’était génial d’entendre la différence entre les deux versions parce que cela illustre tout le chemin parcouru depuis.

Plusieurs thèmes évoquent “l’arbre”, est-ce un clin d’oeil à ton papa et à ses groupes, Acous-Tree et Tree-Ho?

Très honnêtement, c’est complètement fortuit. Par exemple, Who planted this tree?, écrit en 2014, m’a été inspiré par l’image d’un gratte-ciel qui avait poussé comme un arbre. C’est ma compagne Paméla qui m’a proposé ce titre. Coffin for a sequoia a été inspiré par un road-trip sur la côte ouest où on est allé voir la forêt de séquoias et, comme, à ce moment-là, j’étais à fond dans la peinture de Basquiat, je lui ai dédié le morceau. Basquiat, c’est comme un séquoia, c’est énorme, inaltérable. An Orange Tree, c’est une composition que j’avais commencée en Espagne où il y avait de gigantesques champs d’orangers. Mais il y a peut-être quelque chose d’inconscient: mon père et moi sommes très proches et nous partageons le même amour des arbres, mais c’est fortuit, ce n’est pas voulu. 

D’où vient cette passion pour l’urban exploration qui donne son titre à l’album comme au groupe?

URBEX @FLAGEY

D’abord, il s’agit d’un attrait esthétique: c’est en tombant par hasard sur des photos de Détroit, une ville complètement sinistrée après la crise économique et celle de l’automobile. C’est un univers qui me plaisait: j’aimais voir ces bâtiments abandonnés sur lesquels la nature reprend progressivement ses droits. Après, j’ai commencé à me renseigner, à rencontrer des gens qui faisaient de l’urbex et à en faire moi-même: j’ai visité des endroits en Belgique puis aux Etats-Unis, notamment un théâtre magnifique dans un quartier juif de Brooklyn: c’est vraiment des oeuvres d’art. Ce qui m’intéresse, c’est cet univers fantomatique, un peu onirique, qui évoque la science fiction. Tout a été abandonné mais est resté tel quel, j’adore cette dualité avec la nature qui reprend le dessus,  ce qui rejoint l’attrait pour les arbres. Dans la plupart des lieux où je suis allé, il y a des champignons qui sont là et puis, au milieu d’une pièce, tu as un arbre qui a poussé: la nature s’est recréé son chemin. Au-delà des concepts musicaux, j’ai envie d’avoir quelque chose d’extérieur: en tant qu’artiste, on est inspiré par tout ce qui nous entoure. Cet univers-là m’a beaucoup inspiré pour cet album. Mon prochain focus sera sur autre chose: j’ai déjà des idées.

Qui est Francis Houtteman à qui tu dédies Les Douze Marionnettes?

C’est mon oncle, le mari de ma marraine. C’est un marionnettiste qui a fondé le CREA-théâtre à Tournai, un des plus grands théâtres de marionnettes en Europe. Les Douze Marionnettes, c’est les douze tons, c’est un exercice que je m’étais imposé à la base mais qui a débouché sur ce morceau à trois lignes mélodiques et, dans chaque ligne, il y a chaque fois les douze tons. C’est ce que Bill Evans a un peu fait avec Twelve Tone Tune. Ce morceau est donc un double hommage. C’est un morceau d’un tout autre climat, avec le udu de Fred et l’intro vient du fait que j’ai beaucoup écouté Steve Reich, avec ce motif staccato.

Après les concerts à Flagey à Bruxelles et au Reflektor à Liège, tu auras la tournée du JazzTour…

URBEX @REFLEKTOR

Le Reflektor, c’est vraiment une expérience parce que c’est un endroit plus rock/pop, comme celui que j’ai rencontré avec Tom Barman et Taxi Wars, même si Taxi Wars est un groupe hybride. Fabrice Lamproie a une programmation plutôt pop/rock mais on avait parlé d’y faire du jazz. Quand je lui ai proposé Urbex, il a trouvé cela intéressant. C’est un challenge, on va voir comment cela fonctionne. J’espère que les gens seront là parce que nous, nous sommes prêts. Et puis, à partir de fin février jusqu’au début avril, on aura le JazzTour, une tournée de six semaines en Wallonie qui se prépare pour une dizaine de dates. On a aussi quelques festivals d’été, comme Comblain et puis, fin septembre jusqu’à fin octobre, on a une tournée en Flandre, grâce au Jazz Lab Series. Après, le but, c’est l’étranger mais on essaye d’abord de faire un focus sur la Belgique: on a envie de présenter notre musique d’abord au public belge. 

As-tu d’autres compositions en préparation?

J’ai recommencé à composer. C’est la première fois que je fais mon propre disque et j’ai été passionné par le travail de composition: pour moi, la composition est un instrument à part entière, c’est quelque chose qui se pratique autant que la batterie. Il y a des choses qui marchent, d’autres pas: cela demande de la pratique. Le fait d’avoir mis tout sur un cédé, cela m’a permis, non de tourner la page, mais d’avoir l’esprit tranquille: ces idées sont mises définitivement sur un support. Dès lors, je m’intéresse à plein d’autres choses, j’ai déjà plusieurs compositions sur le feu. J’adore avancer sur plusieurs compositions simultanément. Par exemple, sur le disque, un des morceaux les plus longs, Ode to my Moon, m’a pris plus ou moins onze mois pour l’écrire, je suis revenu plusieurs fois sur la mélodie, plusieurs parties se sont interconnectées.

En parallèle, vient de sortir l’album de Tree-Ho, le trio d’Alain, ton papa

C’est complètement différent, c’est une coïncidence: on avait enregistré l’album en 2014, avant que je ne parte à New-York. C’est un projet avec toutes les compositions de mon père, qui est, pour moi, un des plus grands compositeurs qui existent. Je suis très content parce que, si je suis heureux de présenter mon propre répertoire, je le suis aussi de jouer ses compositions: je lui dois beaucoup. Le fait d’avoir entendu sa musique depuis tout petit m’a beaucoup inspiré. Je suis très content qu’il concrétise son projet à lui, un projet qui lui tient à coeur: il a tout fait, de la musique jusqu’à la pochette. Au mixage, il a été du processus depuis le début jusqu’à la fin. La sortie des deux disques tombe pile en même temps mais ce n’est pas voulu. C’est une musique complètement différente, délibérément acoustique mais que je connais très bien aussi puisque j’entends les compositions de mon père depuis que je suis tout gamin. C’est aussi une influence du label ECM à laquelle il a voulu faire référence, une musique des années 70-80: Ralph Towner, Keith Jarrett, Jan Garbarek, Eberhard Weber, tous ces musiciens qui ont enregistré sur le label allemand avec un son très spécifique, ce qui a influencé mon père comme Diederik Wissels ou Nathalie Loriers. 

Qui sont les Aaron & Allen du titre de l’album?

Je ne sais pas exactement. Mon père est venu à New-York et, quand il allait dans un coffee shop pour prendre un café, avec un gobelet sur lequel on inscrit ton prénom, il disait “Alain” mais on comprenait “Allen” ou “Aaron”. Mais c’est aussi peut-être une référence aux petits chiens de la banquette arrière de l’auto qui figurent sur la pochette. Il a dédié ce morceau à mon grand-père, comme je l’ai fait pour mon album, parce qu’il était présent à tous mes concerts. Il est parti il y a quelques mois et on voulait lui rendre hommage.

A côté de cela, il y a Taxi Wars…

Taxi wars est une super expérience parce que ce projet sort complètement de ma zone de confort. L’important avec Tom Barman, c’est le groove, l’énergie que Tom veut insuffler. C’est l’occasion, pour moi, de me défouler. Un set d’une heure hyper intense au niveau de l’endurance: c’est génial pour un batteur. Avec Philip (Catherine), c’est plus feutré. Et puis, c’est chouette de toucher un autre public avec un répertoire qui n’est pas si évident: Tom donne une énergie un peu rock mais les compositions sont assez compliquées. Cela demande beaucoup de travail. On est en train de préparer un deuxième disque. C’est chouette de travailler avec un chanteur de rock qui a une vision de la musique complètement différente mais qui a une culture musicale approfondie: il connaît toute la discographie de Coltrane. Il apporte un côté ludique, même s’il est exigent sur le niveau de la musique, comme c’est le cas de Robin (Verheyen au saxophone) et de Nic (Thys à la basse). On a des attentes élevées par rapport à ce que la musique doit être. Je suis content de connaître cette expérience maintenant parce que cela m’ouvre de nouveaux horizons.

Liège, 30 janvier, Urbex @REFLEKTOR

Pari tenu, pari gagné pour Antoine Pierre et ses complices à la salle Reflektor de Liège: bien que sans doute plus habitué à la programmation électro-pop-rock-world de Fabrice Lamproye, le programmateur des Ardentes, le public a répondu présent en nombre ce 30 janvier. Après une première partie dédiée à la guitare de Maxime Malempré, d’abord en solo, puis en trio avec Jean-Paul Estiévenart à la trompette et David Thomaere au piano, Urbex a revisité le répertoire de son récent album publié par Igloo. D’abord en quintet, pour un Moon’s Melancholia avec un Jean-Paul Estiévenart très davisien, puis avec l’octet au complet, si ce n’est que Bram De Looze, retenu par le Lab Trio et ses invités américains, était remplacé par David Thomaere, présent sur deux plages du disque. Ce qui frappe d’abord, c’est la sophistication des compositions, la luxuriance des arrangements qui reposent sur une large palette sonore : trompette – ténor -clarinette basse puis deux ténors, trompette – ténor-soprano ou trompette bouchée et deux clarinettes basses (Les Douze Marionettes), le tout baigné par les sonorités irisées de la guitare de Bert Cools et de ses multiples effets, les entrelacs du piano et le gros son rond de la basse électrique. Aux percussions, Frédéric Malempré se démultiplie : congas et caxixis ((Coffin For A Sequoia), cowbells, clochettes, udu (Les Douze Marionettes) ou berimbau (Urbex), mais toujours en parfait accord avec ce groove déchaîné de la batterie d’Antoine (Who Planted This Tree ?). Les thèmes Urbex et Metropolitan Adventure sont parmi les moments les plus palpitants. Le public acclame, réclame… un rappel. L’octet livre alors une version trépidante de la suite Ode For My Moon. Le public est comblé. Après le succès de Rêve d’Eléphant Orchestra en juin dernier et celui d’Urbex ce 30 janvier, il est sûr que la salle du Reflektor peut s’ouvrir à une programmation jazz. Le 12 mars prochain, le saxophoniste français Thomas de Pourquery et son Supersonic rendra un hommage iconoclaste à la musique de Sun Ra.

URBEX – JAZZ TOUR

Mars:

03, Louvain-La-Neuve

16, Bruxelles, Jazz Station

18, Marche, studio des Carmes

19, Mouscron, Centre culturel

23, Lasne, Rideau Rouge

26, Mazy, Jazz9

Avril:

2/4, Eupen, Jünglingshaus