Vincent Lê Quang : Everslasting

Vincent Lê Quang : Everslasting

La Buissonne

Avec cet album, Vincent Lê Quang concrétise une aventure qui dure depuis plus de dix ans : « Le quartet existe depuis une douzaine d’années. La musique qui a lieu là ne peut éclore qu’avec ces quatre personnes, notamment par notre compréhension mutuelle et notre volonté commune de concilier l’écriture et l’invention en temps réel qu’est l’improvisation ». Le saxophoniste grave ici le premier album de ce quartet. C’est qu’auparavant, il a été très sollicité. Né en 1975, il a choisi le saxophone à l’âge de 13 ans, et est entré par après au Conservatoire de Clermont-Ferrand, puis de Paris, pour étudier le jazz, l’improvisation et la musique indienne, notamment avec François Jeanneau et François Théberge. Il fait partie du Chance Quintet d’Henri Texier (album chroniqué à l’époque), après avoir fait partie du Sand Quintet du contrebassiste. Il a aussi joué en duo avec l’accordéoniste Vincent Peirani, enregistré « Drum Thing » avec Daniel Humair et « Roses and Roots » avec Ricardo Del Fra. Il est maintenant professeur au Conservatoire de Paris, en improvisation générative. Il a formé son quartet avec un autre compagnon de route de Ricardo Del Fra, le pianiste Bruno Ruder qui, lui aussi, a participé à l’album « Roses and Roots ». Diplômé du Conservatoire de Paris, il a enregistré en solo (« Lisières »). Il a fait aussi bien partie de Magma que de Spirit Dance du contrebassiste Yves Rousseau et du batteur Christophe Marguet. A la contrebasse, Guido Zorn qui a enregistré « Chapter Two » avec le guitariste Pierre Durand et qui fait partie du quintet de Bruno Ruder. A la batterie, avec un jeu proche de celui d’un percussionniste plus enclin à tisser des couleurs qu’à maintenir une cadence rythmique monolithique, John Quitzke, qui a enregistré plusieurs albums avec Christophe Monniot (« Organic Food » et  « This Is c’est la vie » pour BMC) et a gravé « Zar, Jazz & Music from South Iran », avec Matthieu Donarier (sax) et Manu Codjia (g).

Fruit d’une longue maturation et d’une solide expérience en concerts (notamment au Triton, comme le montre une vidéo de 2016), le quartet fait preuve d’une totale complicité (huit compositions du leader, une de chacun des autres musiciens), d’une réelle empathie avec l’univers sonore de Vincent Lê Quang. Un univers qui repose sur une réflexion : confronter l’éphémère (« L’odeur du buis », « Fleur », « Le rêve d’une île ») à ce que l’on peut croire éternel (« Everlasting », « Everlast »). Cette réflexion sur la fragilité (« Dans la boîte à clous tous les clous sont tordus ») débouche sur une musique d’une certaine sérénité, souvent sur des atmosphères paisibles (soprano mutin, doublé de l’archet de la contrebasse sur « L’odeur du buis », ténor paisible, avec pizzicati et jeu délicat des balais sur « Fleur ») mais parfois avec un tempo plus appuyé (« Une danse pour Wayne », « Le rêve d’une île »). On retrouve Lê Quang souvent sur son instrument de prédilection, le soprano, sous l’influence de Steve Lacy et de Wayne Shorter, mais aussi au ténor avec une sonorité lisse sans aspérité (« Fleur », « Le rêve d’une île », « Unaccounted For Past »).

Le professionnalisme du studio contribue à magnifier la musique : « Le studio de La Buissonne est l’endroit où j’ai l’impression que mon instrument sonne comme j’ai envie qu’il sonne. L’équipement est toujours au service de ce que j’ai envie de faire, j’y trouve une forme d’aisance vraiment précieuse. Avant même de brancher le moindre micro, la salle a une vibration inexplicable » (Lê Quang). Bruno Ruder, en solo absolu sur « A rebours », doit lui aussi être ravi de la pureté de sonorité de son Steinway Grand Piano. Par ailleurs, la prise de son contribue à la même sensation : « Avec Gérard (de Haro), on a affaire à un artiste. Il a une vision, sait nous aiguiller et nous aide à faire sortir des choses ». L’album reflète parfaitement cette longue maturation et ces conditions parfaites d’enregistrement.

Claude Loxhay