Vladimir Torres : Brujos
Bassiste d’origine uruguayenne basé en France, Vladimir Torres sort un troisième album sous son nom intitulé « Brujos » (« Sorciers » en espagnol). Il y reprend la formule du trio avec le pianiste Martin Schiffmann et le batteur Tom Moretti mais invite sur quelques plages la pianiste Manon Mullener, la chanteuse Mélina Tobiana, le saxophoniste cubain Ricardo Izquierdo et le tromboniste Constantin Meyer. Les douze compositions originales (dont dix de la plume du leader) laissent entendre les humeurs variées d’un groupe soudé, porté à bout de bras par une rythmique à l’énergie débordante. L’interaction entre les musiciens est particulièrement remarquable, jusqu’à créer une impression de télépathie surnaturelle qui a d’ailleurs suggéré l’idée du titre de l’œuvre, les membres du trio s’identifiant à des « sorciers » qui pratiquent une magie musicale leur permettant de communier spirituellement entre eux et avec leurs auditeurs.
Le répertoire, éclectique malgré une tendance générale aux nuances espagnoles, comprend beaucoup de perles. D’un « Bilbao-Granada » ensoleillé et teinté par les accents subtils du flamenco à un « Atlantico » évocateur joué en duo avec le tromboniste Constantin Meyer, on voyage dans un univers attachant et riche de diverses influences. Ainsi « Sweet Gaza » se pare-t-il de quelques subtils effluves orientaux tandis que « The T(h)ree of Us », qui bénéficie de la présence du saxophoniste Ricardo Izquierdo, est un de ces morceaux entraînants à mi-chemin entre bop et musique cubaine. La contrebasse, bien mixée en avant, laisse entendre la virtuosité du leader, son assise dans les accompagnements et son élégance dans les parties en solo (écouter « Baïna » et surtout « Se Acabo » pour s’en convaincre). On ne manquera pas non plus d’épingler le mélancolique « Leaving » chanté en anglais avec une grande douceur et beaucoup de soul par la talentueuse Mélina Tobiana. L’album se referme sur un titre à part : un remix « d’Un Ano Sin Verte », à l’origine une mélodie jouée en solo à la contrebasse sur l’album précédent, ici ancrée par le beatmaker français Sorg dans un groove actuel qui en change forcément la perspective. En fin de compte, grâce à une panoplie d’ingrédients divers combinés à un travail technique exemplaire, ces musiciens-magiciens dignes d’un Severus Rogue sont parvenus à ensorceler leur public sans aucune baguette magique !