La Chambre Verte : URBEX
Urbex, c’est de l’exploration urbaine certes mais c’est aussi le nom d’un nouvel octet totalement incontournable sur la scène belge actuelle. Au coeur du réacteur et aux commandes de cet ovni surpuissant, le jeune batteur Antoine Pierre accompagné de Jean-Paul Estiévenart, Bert Cools, Bram De Looze et Félix Zurstrassen. Pour ce 4 ème numéro, ils ont accepté d’embarquer dans La Chambre Verte pour un concert à la Jazz Station. C’était le 18 février 2017.
L’émission audio intégrale
Les aventures métropolitaines d’Antoine Pierre
(Première publication le 23 février 2017)
De passage à Liège, à l’invitation de la télévision locale RTC, et cela quelques jours avant le concert au Reflektor, Antoine Pierre explique le processus de création de son album Urbex (Igloo), revient sur son séjour aux Etats-Unis, ses liens avec Antonio Sanchez et Enrico Pieranunzi, sa fidélité à l’égard de son père Alain (album Aaron & Allen de Tree-Ho) et son expérience avec Tom Barman, chanteur du groupe pop-rock dEUS et de Taxi Wars.
En route pour les aventures métropolitaines d’un batteur qui a le vent en poupe, sur la route pour le Jazz Tour des Lundis d’Hortense.
Interview : Claude Loxhay
Photos : Robert Hansenne
Pourquoi avoir choisi une formule en octet pour ton premier album personnel, là où certains se limitent à un trio ou un quartet?
J’ai choisi la formule en octet d’abord pour le son, je savais que je voulais un groupe avec lequel je pouvais utiliser de nombreuses possibilités d’arrangement. Avoir trois souffleurs permet de disposer d’une large palette sonore. C’était une évidence qu’au-delà des compositions, je voulais utiliser le vecteur de l’arrangement. Et puis, je voulais une basse électrique, c’est un son que je voulais avoir. Le fait d’avoir joué avec Félix Zurstrassen pendant autant de temps implique que c’est un instrument qui me parle beaucoup. Avant d’écrire les compositions, j’ai pensé au line-up. Ce line-up, c’est en fait tous les musiciens avec lesquels je joue dans leur propre groupe: Jean-Paul Estiévenart dans son trio, Toine dans le sien, Steven Delannoye dans le LG Jazz Collective et Félix dans tous les groupes avec lesquels je joue. Cela, plus les percussions qui étaient un son dont je rêvais depuis un moment. C’est vrai que c’est peut-être audacieux de ma part d’avoir choisi un grand groupe comme cela, vu la conjoncture actuelle mais il s’agissait d’abord de suivre un objectif musical. Cela correspond aussi à mes influences: le groupe de Pat Metheny et des formations assez larges dans lesquelles il y a beaucoup de productions live. Pouvoir se dire: « Maintenant, il n’y a que les souffleurs et puis tout le groupe ». Je voulais cette dimension orchestrale dans ma musique.
Comment as-tu choisi Bram De Looze et Bert Cools?
Bram, je l’ai rencontré le même jour qu’Igor Gehenot, lors d’un workshop de Nathalie Loriers au Salon Mativa, chez Jean-Pierre Peuvion: Igor et moi, nous avons fait un grand bout de chemin ensemble et nous le poursuivons puisque nous continuons à jouer ensemble au sein du LG Jazz Collective. Nous nous voyons très souvent et nous sommes deux grands amis. Bram, je le connais depuis ce jour-là, on se connaît donc depuis près de dix ans, en ayant joué ensemble dans des jams mais sans former de groupe ensemble. Là, j’avais envie de faire un bout de chemin avec lui parce que j’ai suivi ce qu’il a fait depuis. C’est un musicien qui m’attirait depuis un moment: c’est un pianiste virtuose qui m’impressionne. Bert, en fait, je l’ai rencontré dans le projet Conference of the birds de Fabrizio Cassol: c’est un guitariste qui, non seulement est une personne très ouverte sur beaucoup de styles, mais écoute beaucoup de musiques. Au-delà de la musique, il est fort porté sur le son. J’étais sûr qu’il pouvait m’apporter beaucoup dans la composition, quel que soit le matériel musical qu’on lui amène. Je savais qu’il pouvait m’apporter quelque chose de différent, de plus ouvert parce qu’il utilise plein de pédales d’effets et travaille le son de manière originale. Malgré toutes les influences que j’ai, je voulais faire quelque chose qui va plus loin.
C’était un pari audacieux, dans la conjoncture actuelle, de choisir un octet alors qu’il y avait déjà les septets LG Jazz Collective et Heptatomic…
Je n’ai pas pensé du tout à cela, je n’ai pas envie d’amener un quiproquo entre ces différentes formations, pour moi, c’était une question de son. Je savais où je voulais amener ma musique, dans quel territoire. Du coup, c’est peut-être audacieux de constituer une telle formation mais la musique des trois groupes est totalement différente: dans Urbex, il y a des percussions, le jeu de guitare est tout à fait différent que dans LG Jazz Collective et la musique est très différente de celle d’Heptatomic. Ce n’est pas un parallèle auquel j’ai pensé.
Au niveau des compositions, comme du son de l’orchestre, ton passage aux Etats-Unis a dû, je suppose, être très important…
Tout à fait, même si New-York n’est pas une scène dans laquelle j’ai envie de m’inscrire, je n’ai pas envie qu’on me colle l’étiquette de « jazzman new-yorkais » parce que je fais mon truc. C’est sûr que le côté incisif, rythmique de la scène américaine m’a beaucoup frappé. Et puis, toute cette intensité musicale, le fait de chercher dans des directions différentes, de puiser dans des influences multiples, c’est quelque chose qui m’a beaucoup inspiré. J’ai baigné dans cet environnement dans lequel il y a de la musique partout, où je suis allé voir, 4 à 5 fois par semaine, des concerts plus invraisemblables les uns que les autres. Humainement, mais aussi musicalement, cela a été une expérience enrichissante: être tout seul dans un environnement différent, dans une culture différente, chercher dans une direction qui me correspond, chercher à me connaître moi-même, dans une ville qui me mettait à l’épreuve. C’était un vrai challenge: je suis attiré par l’expérience, l’inconnu. C’est vrai qu’en tant de batteur, composer pour un groupe aussi large, avec des musiciens d’envergure, c’est une expérience importante: c’est gratifiant d’arriver avec des compositions originales et de les faire jouer par de tels musiciens: New-York m’a apporté cette audace.
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