Claudia Solal, Butter In My Brain

Claudia Solal, Butter In My Brain

Claudia Solal, Butter In My Brain

ABALONE PRODUCTIONS

L’objet cédé est d’une belle qualité : des photos en couleurs (Tatiana Chevalier) se succèdent dans le livret, reliées par les dessins de Marynet J. Kwork, qui évoquent à la fois les liaisons synaptiques entre les neurones, et le « ce dans quoi » ils semblent baigner, beurre ou autre forme de matière liquide/solide, dont nos mères se régalaient à l’idée que nous puissions progresser dans l’intelligence à condition d’en absorber. Une grande partie de l’univers poétique de Claudia Solal tient dans cet imaginaire plus ou moins collectif : de la cervelle de poulet à celle de mouton. Et, bien au-delà, toutes les matières dont nous sommes faits, et dont le monde est constitué. Inutile de chercher à profiter pleinement de ce récital de chansons, écrites par Claudia et Benjamin Moussay sur des textes de la dame, si vous ne vous plongez pas en même temps dans les écrits, reproduits dans le livret. C’est comme si vous espériez suivre un opéra en italien sans avoir les dialogues en regard, ou, encore mieux, un oratorio sans avoir les textes bibliques présents à l’esprit d’une façon ou d’une autre. Le « sujet » de ces chansons est évidemment le rédacteur (CS), l’objet peut être qui vous voudrez, elle-même qui vous donne un rendez-vous improbable (« The Grass Is Greener »), ou qui tente de s’identifier (« Multitrack Girl »), qui décrit la maison de ses rêves et de ses cauchemars (« The House That Jack Built »), qui s’avoue dans une confession (« I Confess »), ou qui décrit son corps, sa maison et sa boite crânienne (« Butter In My Brain »), et je vous laisse découvrir la « Smokehouse In The Ocean », les arbres verts et les rêves transfigurés. Avec tout ce travail (le vôtre, le leur), la récompense est bienvenue, heureuse, obligée, incontournable. C’est que la voix de Claudia est une des plus souples et aériennes qui soit, sans effort apparent et toujours un brin d’ironie qui plane, et que les claviers de Benjamin ont autant de timbres variés que la voix qui les excite. Il fallait tout ce temps pour y arriver, et peut-être ce séjour dans l’espace où ses pas l’ont portée récemment.

Philippe Méziat