Kyle Eastwood, Cinematic

Kyle Eastwood, Cinematic

« Cinematic » : jazz et cinéma, passion chez les Eastwood.

Déjà une dizaine d’albums à son actif, et Kyle Eastwood n’avait encore jamais enregistré un disque consacré aux musiques de films. « Le cinéma est ma seconde passion. » dit-il. Il composera quelques belles mélodies pour les films de son père : « Gran Torino », « Million Dollar Baby », « Lettre d’Iwo Jima », autant de jolies perles à accrocher dans sa déjà bien remplie discothèque. Cette fois, Kyle reprend un éventail de musiques de films qui l’ont marqué. Entretien avec le contrebassiste.

Propos recueillis par Jean-Pierre Goffin

 

(c) JEROME BONNET MODDS

Kyle, on peut imaginer que votre amour pour le jazz vient de votre père.

C’est en effet comme ça que j’ai été initié à la musique : mes deux parents étaient fans de jazz. J’ai grandi en écoutant des disques de jazz ou de blues, du Ray Charles, aussi Johnny Cash… 

Quels sont les musiciens que vous avez surtout écoutés dans votre enfance ?

Mes parents écoutaient beaucoup de musique de big bands. Le premier concert dont je me souvienne c’est l’orchestre de Count Basie, un très bon souvenir, j’avais été très impressionné. Mais comme j’ai connu les années 70, j’ai écouté beaucoup de choses différentes : du rock ‘n roll, de la pop, du funk, Earth Wind & Fire, James Brown… Mais c’est vraiment du jazz que je suis tombé amoureux. 

Le lien entre jazz et cinéma est une vieille histoire dans le cinéma américain, mais vous n’avez pas choisi que des thèmes de jazz pour ce nouvel album. Comment avez-vous établi votre choix ?

J’avais des compositeurs en tête, Lalo Schifrin, Mancini, Herrmann… mais j’avais aussi des thèmes plus jazz que j’ai repris comme le thème de Pink Panther. De toute façon, j’ai choisi des thèmes que je pensais pouvoir adapter à un quintet de jazz. C’est plus le son, les compositeurs, qui ont inspiré mes choix, plus que les images d’un film, même si tous ces films je les ai vus… à l’exception de « Per Le Antiche Scale ». Mon but était de mélanger des morceaux très reconnaissables et d’autres dont la mélodie d’origine était plus obscure… Une pièce que j’aime beaucoup est celle que John Williams a composée pour un film de mon père dans les années 70, quelque chose de pas très connu, mais la mélodie est magnifique. 

L’improvisation forme le cœur du jazz; vous n’avez jamais pensé à improviser sur les images d’un film ?

J’aimerais le faire, mais je n’en ai jamais eu l’opportunité. En fait, je n’ai encore jamais eu l’occasion de travailler sur une musique entièrement jazz pour un film. Mais ça devrait être passionnant. Improviser comme Miles Davis l’a fait pour « Ascenseur pour l’Echafaud »… Mais quand vous faites une musique de film, vous travaillez d’abord au piano, puis avec un computer pour mettre les choses en place, ce qu’il faut c’est trouver le bon moment de placer la musique parce qu’il y a des contraintes, les dialogues en sont une importante. 

(c) JEROME BONNET MODDS

Il y a sur l’album un thème, Skyfall, qui sonne plus improvisé.

Oui c’est beaucoup plus improvisé que les autres pièces. J’aime cette mélodie et nous l’avons jouée plus vite, nous y avons mis plus de liberté, c’est sans doute le morceau de l’album où on s’est le plus lâché. 

Le célèbre thème de Michel Legrand Les Moulins de Mon Cœur est joué et chanté sur un autre tempo.

On y a mis plus de swing. Camille a une superbe voix et était idéale pour ce morceau. 

Une autre voix est invitée pour Gran Torino. Comment avez-vous rencontré Hugh Coltman ?

Hugh je l’ai entendu avec Eric Legnini, avec qui j’ai beaucoup joué… Je l’ai aussi entendu dans d’autres projets, j’aime sa voix qui colle bien avec cette chanson et il l’aimait beaucoup. 

A propos de Gran Torino, plusieurs noms sont associés à sa composition : pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

En premier lieu, il y a mon père qui a joué au piano les quelques premières lignes de la mélodie, deux ou trois phrases. Michael Stevens l’a enregistré pendant qu’il jouait. On y a ajouté quelques accords, puis Michael et moi avons travaillé sur cette chanson et avons demandé à Jamie Cullum d’y mettre des paroles. J’ai demandé à Jamie de lire le script du film et de voir ce qui lui passait par la tête. Quelques heures plus tard, il est revenu avec les paroles. Nous l’avons enregistré sur le piano de mon père dans son living-room. Jamie a chanté et joué du piano, c’est cela qu’on entend vraiment dans le film. 

(c) JEROME BONNET MODDS

Vos musiciens habituels sont anglais.

Ce n’est pas toujours le cas, mais mon groupe régulier est composé de ces trois Anglais. Mais en France, je joue aussi avec d’autres comme Eric Legnini, ou en Italie avec Antonio Farao et Stefano di Battista. La semaine dernière j’ai encore joué à Porto avec Eric. 

Per Le Antiche Scale est joué en trio et met en évidence toutes les qualités d’Andrew McCormack.

Comme je l’ai déjà dit, je n’ai jamais vu le film, c’est le seul de l’album. Je n’ai jamais trouvé de copie du film. Mais c’est surtout la musique d’Ennio Morricone qui m’a séduit. Je ne savais pas au départ de quel film elle venait. J’avais envie de faire ce morceau en trio, à la manière de Bill Evans, un thème lent, une ballade. 

D’un autre côté, la façon d’aborder certains thèmes fait penser aux « Jazz Messengers » d’Art Blakey.

Bien sûr que c’est une grande influence. Beaucoup des disques que j’aime sont des albums des « Jazz Messengers ». Les Blue Note des années 50 …. Le groupe qu’il a eu avec Lee Morgan et Wayne Shorter, c’est une sorte de modèle pour mon quintet. 

(c) JEROME BONNET MODDS

Vous revenez au Festival de Tournai en mai prochain. L’après-concert vous a, parait-il, laissé quelques souvenirs au « Magic Mirrors »…

Ha ha ha ! Oui, je me souviens de la bière Bush. On avait fait un très bon concert, et je me souviens de cet endroit…Comment ils appelaient ça encore… Un mot allemand, je pense… « spiegeltent », c’est ça ! Avec des miroirs partout. Nous étions allés voir d’autres groupes avec qui on a pris quelques verres, je me souviens de Stéphane Belmondo… 

Faire la fête en tournée, c’est habituel ?

Parfois dans les festivals, on rencontre des musiciens qu’on ne croise pas souvent et on prend un verre ensemble… Mais cette fois-là, je me souviens qu’on a terminé très tard ! 

L’ambiance est différente que quand on joue en club ?

Sans doute…J’aime jouer dans des clubs aussi, mais les festivals c’est différent… Je pense qu’aujourd’hui, les meilleurs festivals de jazz sont en Europe. 

INFOS

« Cinematic » sort sur Jazz Village, distribué par PIAS. Le quintet de Kyle Eastwood devait se produire au Tournai Jazz Festival le 2 mai. Foutu virus !