Pépites #74, Around Jazz
Around jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus.
Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Flying Lotus,
Flamagra
Flying Lotus, que vous pouvez aussi prononcer FlyLo, voire Steven Ellison si vous faites partie du cercle des intimes, c’est encore une histoire de famille. Sa grande tante jouait du piano. Son nom : Alice Coltrane… Et dès lors, le producteur/rappeur se trouve également être le cousin de Ravi Coltrane et le fils de la compositrice Marilyn McLeod. C’est ce qui s’appelle « tomber dans la marmite tout petit » ! Par ailleurs, l’homme dispose d’un carnet d’adresses épais comme un bottin téléphonique des années quatre-vingts (ils sont beaucoup plus fins aujourd’hui…). Si « Flamagra » contient vingt-sept titres, ce seront autant d’occasions exploitées pour lancer des invitations tous azimuts… Pour se la jouer « name-droping », citons en vrac les rappeurs (vivants ou non) Anderson .Paak, Denzel Curry, Mac Miller, et tant d’autres ! Citons quelques musiciens aussi : l’incontournable Robert Glasper, servi à toutes les sauces en ce moment, mais aussi le légendaire George Clinton, Toro y Moi, … Enfin, comment l’oublier, on note la présence vocale de David Lynch, dont le bagout a en fait inspiré le concept même de l’album : la flamme éternelle. Ces noms ne laissent planer aucun doute sur la qualité et sur les sons de ce que nous allons entendre. Un electro-funk aux teintes bleutées, limpide et riche comme une rencontre qui s’organiserait entre Herbie Hancock et Prince. Après cinq ans de silence, mais surtout, huit ans après l’emblématique « Cosmogramma », FlyLo nous rallume la flamme sacrée et nous la fout aux fesses en guise d’invitation : levez-vous, bougez !
Cette chronique était programmée dans le cadre du concert que Flying Lotus devait donner le 22 mars au Botanique… Foutu virus !
Mathias Modica presents Kraut Jazz Futurism,
A New Wave Of German Bands
A force d’encenser quotidiennement les nouveaux groupes londoniens, flamands et norvégiens, on finit par négliger d’autres régions importantes de la sphère jazz. Comme l’Allemagne par exemple… Bien sûr qu’il existe une nouvelle vague du jazz (sans frontières), aussi bienfaisante que la new-wave à l’échelle du rock, qui avait immédiatement succédé à la vague punk. L’histoire de la musique, toutes tendances confondues se nourrit de ses propres révolutions… Et il est évident que nous ne nous sommes pas suffisamment intéressés au « Jazz allemand futuriste », pour traduire au plus juste les termes repris ici. Cette compilation nous en offre l’opportunité. Seize groupes teutons ramassés sur un cédé de quatre-vingts minutes. Oui, même s’il nous arrive au compte-gouttes, le nouveau jazz allemand existe bel et bien. Tout particulièrement celui qui prend vie à Berlin où, paraît-il de nouveaux clubs s’érigent régulièrement. Bien évidemment, tout ne se trouve pas à (bon) niveau. Inutile de vous raconter des salades. Le rapprochement avec le « kraut » rock n’a pas beaucoup de sens non plus. On n’a pas affaire ici à seize rejetons de la galaxie Can… Seize groupes ou seize jazz différents. Du mauvais et de l’excellent… De la soul, des fusions, de l’électro, de l’ambient, du lounge, … En demeure un fil rouge ténu, véritable objectif de cette compilation : la découverte ! A ce sujet-là, nous vous invitons à écouter sans plus attendre les libertés cosmiques de Karaba (le groupe ouvre le bal de la plus belle des manières), les entrelacs du Torben Unit et le jazz-dub de Keope. Promis, vous n’aurez pas perdu votre temps…
Nitai Hershkovits Trio,
Lemon the Moon
Discrètement ou en état de grâce, Nitai Hershkovits évolue dans l’ombre, sans faire trop de vagues. Il travaille sérieusement, on peut compter sur sa conscience professionnelle… Demandez à ses patrons ce qu’ils en pensent ! Le contrebassiste Avishai Cohen ou plus récemment le saxophoniste Oded Tzur se félicitent d’avoir intégré ce jeune pianiste talentueux dans leur équipe… Comme eux, Nitai Hershkovits fait partie d’une scène israélienne bouillonnante. Une partie d’entre eux ont quitté le pays pour s’installer à New York, où il y a tant de personnages intéressants à rencontrer ! Comme le contrebassiste Or Bareket, l’un des plus demandés du milieu, et qui accompagne le pianiste ici en trio, avec Amir Bresler aux baguettes (encore un Israélien…). Malgré son instrumentation classique, « Lemon the Moon », vous l’aurez compris, n’est pas un album de jazz traditionnel. Entre les lignes, entre les accords de piano qui répondent aux vibrations rythmiques, on entend régulièrement quelques spasmes électroniques… Quelques retombées new-yorkaises sans doute, aux frontières d’une « black music » chaude et sensuelle (« Witch is Whish »). Oui, Nitai Hershkovits signe, avec ce troisième album enregistré à son nom une belle « pépite » que vous auriez dû entendre de visu à la Jazz Station (Bruxelles), le 25 mars… Foutu virus (bis) !
Joseph « YT » Boulier