Janick Martin Trio : Sông Song

Janick Martin Trio : Sông Song

Le Grand Pas

Tout comme notre compatriote Didier Laloy, Janick Martin joue de l’accordéon diatonique depuis de nombreuses années. Depuis une vingtaine au sein du quartet du violoniste Jacky Mollard mais également dans le quintet Finis Terrae du violoncelliste Vincent Courtois. Figure majeure des nouvelles musiques traditionnelles bretonnes, il publie ici un premier album novateur sous son nom. Pour l’occasion, il s’est décidé pour un trio vraiment original, en invitant à ses côtés la guitare électrique de Julian Tuai ainsi que le trombone de Simon Latouche. En invité, sur deux titres, le saxophone ténor de Robin Fincker. Les rythmiques sont donc assurées sans l’apport d’une batterie ou de percussions. Quant à l’inspiration musicale, elle lui est venue du livre « Entrez dans la danse » du regretté Jean Teulé. Un des derniers bons livres de l’auteur, qui s’inspire d’une épidémie de danse (un cas de chorémanie), de transe collective, qui a réellement eu lieu à Strasbourg au XVème siècle. Et le fait de savoir qu’il s’était inspiré de ce livre, franchement, je m’y suis replongé et des visuels, que j’avais imaginés lors de ma lecture, me sont revenus. Troublant. Je revois ces danseurs fous, les ruelles malpropres, la folie partout, la mort aussi, au travers des compositions de Janick.

Un album que j’ai donc écouté de nombreuses fois avec ces images en tête et dont j’ai dû faire parfois abstraction afin de me focaliser sur ces chansons instrumentales. Qui voyagent entre le jazz, le côté festif de la populaire musique bretonne, celle de l’Est, une magnifique reprise de Dick Annegarn (« Brahim Alham »), un traditionnel breton et un kurde ainsi qu’un émouvant moment suspendu, forme de comptine sombre, au travers de la plage titulaire ! L’accordéon diatonique mène le groupe, parfois la danse, de ses sonorités typiques, mais la complémentarité entre la guitare et le trombone nous vaut aussi de superbes duos, notamment sur « La morsure du papillon » ou « Langon bleu ». Titres irrésistibles parmi de nombreux autres sur lesquels la densité, la retenue voire un pan atmosphérique se font suite. Janick Martin a formé un groupe de superbes musiciens, a composé et parfois emprunté, modifié des œuvres et le résultat final est tout simplement magique. J’adore de la première à la dernière note cet album à la beauté et aux sonorités inédites.

Claudy Jalet