Alexandre Castant et Philippe Franck : Correspondances dans le labyrinthe des sons

Alexandre Castant et Philippe Franck : Correspondances dans le labyrinthe des sons

« Ecrire sur le son, et plus particulièrement sur la diversité des arts sonores, est toujours une gageure à laquelle s’attaquent, encore trop rarement, des auteurs habités par une vraie vision critique et historique. Sans doute le « sound art », genre hybride, nécessite-t-il qu’on l’appréhende par de multiples entrées pour tenter de mettre en perspective un champ qui n’en finit pas de se développer à la croisée des arts plastiques et des musiques inventives ». Tel est le constat que dressait Philippe Franck cinq ans après avoir lancé City Sonics, devenu par après City Sonic, un festival international des arts sonores qui allait s’installer dans le temps. Ces quelques lignes résument bien la difficulté de saisir le son en tant que pratique artistique. Le son n’est pas seulement média, il est aussi médium. Le son s’écoute, certes, mais il se met en forme, en scène, il s’incarne à travers de très nombreux supports, physiques ou digitaux, se montre et se démontre, se déploie, se sculpte. Comme pour aborder l’image, accéder au son requiert parfois des mécanismes imaginaires ou des clés d’accès.

Les relations entre l’image et le son s’inscrivent résolument dans la grande histoire de l’art contemporain, nous disent Alexandre Castant et Philippe Franck. Le premier est professeur à l’Ecole nationale supérieure d’art de Bourges. Il est aussi essayiste, critique d’art et écrivain. Le second est historien de l’art, commissaire artistique, enseignant, fondateur et directeur de l’association Transcultures et de City Sonic. Accessoirement, il est aussi collaborateur à… JazzMania.

Le livre reprend, en suivant une ligne chronologique qui s’étend de 2005 à 2022, le cours de leurs échanges nourris sur la question du son, qui est davantage celle des sons et plus largement encore des arts sonores. A la lecture de leur retranscription, on devine que ces entretiens ont pu être denses, intenses, les auteurs confrontant leurs expériences réciproques, mais aussi leurs influences respectives (Philippe a toujours voué un amour aux musiques de traverse ou dites expérimentales tandis qu’Alexandre révèle son attrait pour certains écrivains dont André Pieyre de Mandiargues qui fut le sujet de sa recherche doctorale). Certains textes, des comptes-rendus d’événements ou des chroniques, sont signés par l’un ou par l’autre. Alexandre revient souvent sur ses visites à City Sonic. Philippe s’arrête sur les ouvrages d’Alexandre dont « Planète sonores » et « Journal audiobiographique, radiophonie, arts cinéma ».

Décrire le son c’est d’abord tenter de l’écrire, ce à quoi s’emploient nos deux auteurs avec brio. L’ouvrage prend le parti d’une approche empirique, renvoyant sans cesse aux sources historiques, aux artistes, sonores et autres, prenant soin de ne pas pécher par excès de théorisation. Il comporte une multitude d’archives photographiques qui permettent d’aider le lecteur lambda à se forger un regard sur ce que les sons tentent de nous dire ici et maintenant. Au final, on ressort de ce labyrinthe tout ouïe avec l’envie insatiable d’aller vers ce que nous n’avions pas pris la peine de tendre l’oreille, ou ce que nous n’avions jamais osé écouter. Rien que pour cela, ce livre s’avère un fil d’Ariane précieux.

N.B. : A l’acquisition du livre, un QR code permet de télécharger une compilation de pièces sonores inédites d’artistes ayant participé aux différentes éditions du festival City Sonic parmi lesquels le compositeur roumain spectral Iancu Dumitrescu, Roberto Paci Dalo (extrait de son installation sur la philosophe Hannah Arendt), Gilles Malatray (à partir des sons de City Sonic), Stephan Dunkelman (un inédit du défunt compositeur électro-acoustique belge), Raymond Delepierre (pièce pour timbales), do.space (l’artiste Dominique Vermeesch avec le créateur sonore daniel duchamP), Stéphane Kozik (végétaux sonorisés), Isa*Belle + Paradise Now (bols chantant), Gauthier Keyaerts (électronique organique), Christophe Bailleau ici en collaboration avec aMute (post-rock ambiant), Maurice Charles JJ (saxo solo lancinant), Tommy Lawson (paysage sonore), le duo ordinaire (poésie sonore) ou encore la vocaliste Maja Jantar.

Alexandre Castant et Philippe Franck
Correspondances dans le labyrinthe des sons
Editions La Lettre volée

24 €
ISBN : 978-2-87317-631-0
244 pages

Eric Therer