Hans Lüdeman, Das Reale Klavier
Hans Lüdeman, Das Reale Klavier – Ein Kölne Konzert
Expert dans l’art du trio, qu’il a observé et expérimenté dans toutes les directions possibles, même les plus audacieuses, le pianiste allemand Hans Lüdemann revient au solo ; c’est sa seconde obsession, tout aussi débordante. Pour lui, l’exercice solitaire lui permet de soulever de nombreuses questions à travers ses improvisations. Seul avec son piano, agrémenté de son habituel « clavier virtuel », c’est à dire des petits synthétiseurs où son piano est samplé, il sonde la microtonalité inédite de son instrument. Lüdemann cherche la moindre déviation, la moindre pulsation, parfois de manière assez brute, comme dans ce « Blaue Kreise » où un blues cristallin s’extirpe de notes diminuées, corrodées, qui donne à l’ensemble un aspect presque fragile, malgré son insistance et sa percussivité très musicale. Un héritage de cette passion pour l’Afrique qui s’exprime dans son trio Ivoire (« Präludium 2 »). Il avait déjà interrogé le quart de ton dans son précédent solo Between The Keys – Das Virtuelle Clavier ; mais ici, avec ce concert enregistré à Cologne en 2013, peu de temps après son coffret Der kunst des trios sur le fidèle label Budapest Music Center, il étudie de nouvelles orientations, pose des problématiques sur le son du piano, sa profondeur, sa restitution en disque, mais surtout sa capacité à épouser la définition de Rubinstein d’un « orchestre de 100 instruments ». C’est ce que le pianiste explique dans les notes de pochette, dans une démarche très intellectualisée, sans pour autant oublier l’émotion que procure la pluie fine rebattue par les vents contraires dans « Ankunft », bien servi par un enregistrement impeccable. Das Reale Klavier est une quête qui prolonge ce que Lüdemann a déjà exposé sur chez BMC. Avec « Love Confessions », présent dans Rooms, il livre en solitaire une relecture du morceau qui ne gomme pas sa structure chorale et son souci des rythmes complexes. Lüdemann est seul, mais ses mains évoquent en effet des instrumentistes indépendants qui se chevauchent, se répondent ou s’interrompent avec une grande vigueur. C’est un processus que l’on retrouve également dans « Rollende Steine », où une main gauche très autoritaire foudroie ce morceau du répertoire de son trio Chiffre. En toute fin d’album, le pianiste ajoute à ce concert une commande de Steinway enregistrée dans la Steinway Hause de Düsseldorf. « Arabesque » consacre à la fois l’écriture remarquable et la virtuosité d’un soliste qui ne se repose jamais sur ses acquis. Cet album en est un nouveau témoignage.