Red Star Orchestra, Broadways

Red Star Orchestra, Broadways

Red Star Orchestra, Broadways

(LABEL BLEU)

Cet album, c’est un peu l’histoire d’une amitié : deux musiciens, nés en 1977, qui se sont croisés, en 1999, dans la classe du saxophoniste François Jeanneau, au Conservatoire de Paris et ont souvent fréquenté le club de free jazz “Les Falaises de Montmartre”. Le premier, Johane Myran a commencé le solfège à 4 ans et, par la suite, a étudié la clarinette et le saxophone, en découvrant à Nantes le saxophoniste Alban Darche et le trompettiste Geoffroy Tamisier. En 2001, il obtient son prix au Conservatoire de Paris, joue avec des musiciens de sa génération comme le guitariste Maxime Delpierre, le saxophoniste Laurent Bardainne ou le bassiste Sylvain Daniel. Leader du quartet T.I.M. en compagnie du trompettiste Geoffroy Tamiser, il fonde le Red Star Orchestra, un orchestre de 17 musiciens avec lequel il enregistre, en 2012, un album en compagnie d’Olivia Ruiz, “Olivia Sings For The Red Star Orchestra”, une série de classiques parmi lesquels Girl Talk de Neal Hefti. Le second, Thomas de Pourquery, après ses études au Conservatoire de Paris, a rejoint le Big Band Lumière de Laurent Cugny et l’Orchestre National de Jazz de Paolo Damiani (album “Charméditerranéen” avec François Jeanneau, et Gianluigi Trovesi). En 2002, il se fait remarquer au Concours de La défense, avec le tromboniste Daniel Zimmerman. Ensemble, ils forment ensuite DPZ, avec Maxime Delpierre (guitare), Sylvain Daniel (basse électrique) et David Aknin (batterie), quintet avec lequel ils enregistrent “He’s Looking At You, Kid”. Thomas de Pourquery fait aussi partie du MegaOctet d’Andy Emler (albums “Crouch, Touch, Engage”, “E Total” et “Présences d’esprits”) et du sextet Rigolus avec Laurent Bardainne et Sylvain Rifflet aux saxophones. En 2014, il fonde le sextet Supersonic et enregistre “Play Sun Ra”, programme qu’il a présenté au festival Jazz à Liège. Il raconte: “Quand Johane Myran m’a fait l’honneur de m’inviter à enregistrer avec son Red Star Orchestra, l’idée m’est tout de suite venue de faire un album de grands standards : pour le simple et pur bonheur de chanter ces chefs-d’œuvre, sublimes emblèmes de l’histoire du jazz.” Vont ainsi se croiser, dans un joyeux mélange entre swing des années 1950 et expérimentations rythmiques et harmoniques du jazz actuel, You Don’t Know What Love Is, Bye Bye Blackbird, My Funny Valentine, Night and Day couplé à My Way, Speak Low couplé à Lush Life et I’ll Be Seeing You. Des classiques chantés par Billie Holiday, Ella Fitzgerald ou Nina Simone mais surtout par des crooners comme Frank Sinatra, Paul Anka, Tony Bennett, Nat King Cole ou Johnny Hartman. En subtil arrangeur et orchestrateur, Johane Myran utilise subtilement la large palette de sa formation de dix-sept musiciens : quatre trompettistes, quatre trombonistes, cinq saxophonistes mais aussi clarinettistes ou flûtistes, piano, guitare électrique, contrebasse et batterie. Il fait ainsi alterner parties instrumentales et parties chantées. You Don’t Know What Love Is s’ouvre sur une intro instrumentale lancée par la batterie, avant que n’intervienne la voix chaude de Thomas de Pourquery, avec solos de Mathieu Haage à la trompette puis de Johane Myran au saxophone et se clôt sur une coda instrumentale. Bye Bye Blackbird fait alterner “thème 1” avec intro bruitiste de la guitare suivie du thème exposé délicatement au piano et “Thème 2” chanté sur fond de clarinettes. My Funny Valentine est chanté à quatre voix avec de Pourquery, Johane Myran, Julien Raffin et Stéphane Montigny. Vient ensuite un medley mêlant Night And Day de Cole Porter et My Way ponctué par un “Hey Frankie, I’m talking to you, man”. Speak Low permet à Stéphane Montigny (trombone basse) et Esaïe Cid (saxophone alto) de prendre de beaux solos, sur fond de trompettes bouchées et s’enchaîne avec Lush Life, ce grand classique de Billy Strayhorn que Johnny Hartman enregistra avec John Coltrane. Le Red Star Orchestra en donne une version très swing avec les trompettes de Xavier Bornens et Franck Guichard. L’album se clôt sur la superbe ballade I’ll Be Seeing You, avec solos de Sylvain Fetis au saxophone baryton et Xavier Bornens à la trompette. Bref, une succession  de grands standards intemporels évoquant ” l’univers chaotique de Broadway : du paria au jeune premier, de la star au has-been alcoolique” (texte de pochette), une voix de crooner dans un écrin instrumental sophistiqué.

Claude Loxhay