Lazarevitch – Thys – Verbruggen, Free Three

Lazarevitch – Thys – Verbruggen, Free Three

Serge Lazarevitch – Nicolas Thys – Teun Verbruggen, 

Free Three

(IGLOO)

Double chronique !

La chronique de Claude Loxhay

C’est une longue histoire qui lie le guitariste français à la la Belgique. Né en 1957, Serge Lazarevitch a étudié à Berklee, comme Steve Houben (saxophone) ou Charles Loos (piano). Pour sa part, auprès de professeurs comme Mick Goodrick et Mike Stern. En 1979, il fait partie des professeurs des Séminaires de Jazz du Conservatoire de Liège, comme Steve Houben et Charles Loos mais aussi les Américains Bill Frisell (guitare), Greg Badolato (saxophone) et John Ruocco (saxophone). Début des années 1980, il fait partie du quintet de Charles Loos et enregistre successivement les LP “Sava”, avec Greg Badolato, Jean-Louis Rassinfosse (contrebasse) et Félix Simtaine (batterie) puis “Quelque part”, avec John Ruocco (saxophone), Ricardo del Fra (contrebasse) et Eric Ineke (batterie). A son nom, pour le label Igloo, il gravera les albums “Cats are welcome”, en trio avec Philippe Aerts (contrebasse) et Félix Simtaine (un trio qu’il emmènera au festival Radio France de Montpellier); “London Baby” en quartet avec Kurt Van Herck (saxophone), Ph. Aerts et Dré Pallemaers (batterie); “Walk With A Lion”, en quintet avec Kurt Van Herck et le Suisse Matthieu Michel (trompette) puis “A Few Years Later” en quintet avec Matthieu Michel, Maurice Magnoni (saxophone), Philippe Aerts et Joël Allouche (batterie). De retour en France, il fera, à deux reprises, partie de l’Orchestre National de Jazz, d’abord sous la direction du guitariste Claude Barthélemy (1989-91) puis du contrebassiste Didier Levallet dont faisait aussi partie notre compatriote Phil Abraham (1997-2000). Philippe Aerts, il le retrouve aussi au sein du trio du batteur Bertrand Renaudin (“Songs” en 1992). Depuis plusieurs années, il est coordinateur dans les sections jazz des Conservatoires de Montpellier et de Perpignan. Dernièrement, on l’a retrouvé au Pelzer Jazz Club, à la tête d’un splendide quintet réunissant Eric Barret (saxophone ténor), Airelle Besson (trompette), Nic Thys (contrebasse) et Joël Allouche (batterie) puis en quartet avec son ami Steve Houben. Le voici de retour chez Igloo pour ce trio “Free Three”. A la basse Nicolas Thys, le bassiste de Taxi Wars, de la chanteuse Tutu Puoane, du trio de Kris Defoort, du quintet d’Yves Peeters et de Nicolas Kummert, du quartet de Robin Verheyen avec Bill Carrothers. A la batterie et discrets effets électroniques, Teun Verbruggen, aussi à l’aise en piano trio avec Jef Neve ou Igor Gehenot qu’ en grand orchestre avec le Flat Earth Society ou le Vansina Orchestra, ou avec GOWK et Othin Spake. Pour ce “Free Three”, 17 compositions originales, de 1 minute 14 à 6 minutes 33, les unes écrites par le guitariste (8 titres), l’une composée par Nic Thys (la mélodie enjouée de Long Island City) et les autres cosignées par les trois musiciens complices. Alternent ainsi de belles mélodies gorgées de lyrisme et portées par la sonorité lumineuse de Lazarevitch (ses compositions One MoreTtime; Cats In The Garden; Keep Dancing In D; Until Then-Le jour d’après; Stumming In C; Time To Wake Up; Carla, Bill & Charlie à la dédicace transparente et It Should Have Been A Normal Day dédié à la mémoire des victimes de attentats de Paris), des plages beaucoup plus ouvertes à l’improvisation spontanée avec effets de guitare saturée (Mid Life Crisis), large place laissée à la basse (One For Snowden) ou aux percussions (Factory Dreams), sur tempo rapide (Rush Hour) ou volontiers langoureux (Drifting And Diving). On retrouve le guitariste français avec un plaisir non déguisé. La sortie de l’album est fixée au 22 avril et un concert est prévu le 12 mai à Bruxelles: d’autres suivront.

La chronique de Jean-Pierre Goffin

Remontons à l’époque du premier séjour belge du guitariste Serge Lazarevitch. Fin des années septante, après un séjour au Berklee College of Music de Boston où il rencontre Bill Frisell, Mike Stern et Mike Stern, Serge Lazarevitch débarque à Liège où il enseignera au Séminaire de Jazz du Conservatoire, prendra la succession de Bill Frisell dans le « Mauve Traffic » de Steve Houben et participera activement à la scène jazz locale avec Jacques Pelzer, Steve Houben, Charles Loos, et bien d’autres. Avant de repartir en France, il participera à plusieurs enregistrements parmi les plus marquants de l’époque : « Sava » avec Greg Badolato, Charles Loos, Jean-Louis Rassinfosse et Félix Simtaine ( à signaler que la musique du quintet sera rejouée ce 28 avril au « Music Village » par les mêmes musiciens, à l’exception du saxophoniste remplacé par John Ruocco, un concert organisé pour les quarante ans des LDH); « Cats Are Welcome » en trio et encore « London Baby » avec le même trio augmenté du saxophone ténor de Kurt Van Herck. De retour en France, le guitariste participera à deux versions de l’Orchestre National de Jazz, celle de Claude Barthélémy et ensuite de Didier Levallet. 2015 a vu son retour en Belgique pour des concert avec le trio « Organ » de Toine Thys, aussi avec Ben Sluys et Teun Verbuggen ( un magnifique concert à la Jazzstation en mai), et aussi son trio « Free Three » composé de Nic Thys et Teun Verbruggen. C’est avec ces derniers qu’il enregistre au Studio Sunnyside un nouvel opus belge (le premier d’une longue série, espérons-le !), publié sur le label IGLOO ( qui dans sa série « Jazz Classics » avait déjà ressorti « London Baby »). Huit compositions communes, huit du guitariste et une de Nic Thys, dix-sept pièces au total pour la plupart composées comme des miniatures de moins de trois minutes traversent des climats chers au guitariste et familiers à ses partenaires. « One More Time », le bien nommé, introduit l’album dans une atmosphère folk, alors que « Mid Life Crisis » s’enhardit sur des sonorités plus rock, tout comme « Time To Wake Up ». Avec « Cats in The Garden », on retrouve l’inspiration et les sonorités proches de Bill Frisell dans son trio avec Tony Scherr et Kenny Wollesen. « One For Snowden » s’échappe dans une improvisation libre, « Long Island City », la composition de Nic Thys, a des accents monkiens, « It Should Have Been A Normal Day », au climat apaisé, rend hommage aux victimes des attentats de Paris en janvier et novembre 2015. Enfin « See You Later » me fait immanquablement penser aux variations harmoniques de Pierre Van Dormael. Cette grande variété de climat ne nuit en rien à la cohésion d’un album brillant, où l’inspiration de chaque musicien ne fait jamais défaut, où la superbe sonorité naturelle et l’élégance des protagonistes donne le ton tout au long des dix-sept pièces. Un album qui va illuminer mon printemps et que je classe déjà dans mon best of 2016 !