Bitten By A Monkey, I Had A Little Not-Tree
Bitten By A Monkey, I Had A Little Not-Tree
Bitten By A Monkey se compose de trois musiciens aussi divers en tempérament qu’ingénieux à faire coexister la carpe et le lapin, avec une précision et un sens formel peu commun. Steve Myers souffle dans les flûtes à bec de toute dimension, Roland Bates est un excellent pianiste et le frère du fameux Django Bates, et son frère Dylan Bates violon, “overtone flute”, vièle médiévale, scie musicale et xaphoon est une des personnalités les plus originales de la scène musicale britannique. Cet enregistrement date de 2008 et est sorti en cédé physique avant d’être à nouveau accessible via bandcamp, la plate forme la plus “musician friendly”. J’ai plusieurs points de congruence auditive avec les frères Bates et Steve Myers. En effet, ces artistes sont mêlés à plusieurs projets musicaux qui vont du Texas Swing délirant et revivifié, au médiéval hirsute et organique, en passant par une conception “off-the-wall” de l’improvisation libre dont Bitten By A Monkey est un excellent exemple. Pour l’enregistrement de ” I Had A Little Not-Tree”, le trio a choisi une voie épurée, détachant les interventions individuelles dans le silence, créant un suspense dans les sonorités et les actions en suspens, dans un temps retenu plutôt qu’en se précipitant dans le flux. Symbiose organique de l’éclectisme assumé et de l’expressivité de mélodies gauchies. Entrelacs de haïkus qui s’attirent ou se repoussent dans l’imagination auditive. Attractivité presque visuelle de l’événement musical et sonore isolé entraînant la réaction ludique expressive. Une belle efficacité se répand pour imprimer un feeling dans le moindre son. Lyrisme de la déraison. On voisine parfois le persiflage sans vulgarité. Les sentiments exprimés passent par tous les changements d’humeur qu’un individu sensible et imaginatif, un artiste British, traverse durant une journée à ruminer l’élaboration de ses prochains gigs dans une économie de mouchoir de poche. Insouciance, poésie, dérision, dérisoire, gravité, désespoir, foi du charbonnier, sagacité, révolte… L’alternance des sonorités et des timbres, souffle/vent (Steve Myers) et cordes (Dylan Bates), est presque kaléidoscopique, et dans ces échanges, la main heureuse du pianiste (Roland Bates) est lumineuse. J’avais écouté leur précédent album, le premier Bitten By A Monkey, nettement plus rempli, et avait été convaincu à moitié. Ici avec ce petit non arbre, on atteint une vitesse de croisière, un niveau musical considérable. Vraiment, je l’assure, on tient chez Dylan Bates, un des grands excentriques British, dans le plus beau sens du terme. Ce penchant est conjugué par sa fratrie, Roland Bates, Steve Myers, le guitariste Jerry Wigens etc. A la fois musiciens de jazz basiques – les styles Hot Club de France et assimilés, le Texas swing, le bop ou la musique africaine n’ont pas de secret pour Dylan qui tire une partie de ses maigres revenus dans ces univers musicaux – poètes du non sens ou du sens caché des choses, utopistes de l’universalité des musiques, ce trio et tous leurs potes doivent encore être découverts par les maîtres à penser de la planète improvisation à laquelle il manquera toujours une couleur.
Et, Dylan Bates connaît aussi son propre sosie, Stanley Bäd, auteur de plus de 120 chansons décalées, 150% British et complètement folles, dans un style issu du cabaret anglais dont vous devriez avoir une petite idée si vous avez parcouru les albums des Kinks, voire certaines chansons des Beatles. Stanley Bäd en assure toutes les parties instrumentales et, issu de sa fertile imagination, son projet « médiéval » déjanté “A Folysse Fyssh” convie des visions breugheliennes voire celles de Jérôme Bosch. Plus que ça tu meurs !
Jean-Michel Van Schwouburg